Noms de lieux et noms communs
- advaita: l'indivisibilité est ce principe selon lequel rien ne saurait être soustrait ou ajouté au Brahman. La formule la plus communément citée à ce propos est celle du Bṛihadāranyaka Upanishad 5.1.1: "Cela est plein, ce qu'on extrait de cette plénitude est aussi plein et ce qui reste est encore plein." Dans son livre "Brahma sutra : spiritual life", S. Radhakrishna résume comme suit ce qui est su de façon indiscutable (conçu au delà des mots pour l'exprimer) à propos du Brahman, selon les conclusions du Vedanta, même si on s'accorde à dire qu'on ne sait rien de Cela. Non seulement Cela (Tat) est absolument (Sat) inaltérablement (Akshara) mais on peut ajouter que : (1) C'est la source de toute chose et ne peut avoir été produit à partir d'autre chose sinon on se heurte au problème de la précédence entre la poule et l'oeuf; (2) C'est doté de conscience ou diront d'autres C'est pure conscience; (3) C'est intelligent et ordonné (ceux qui disent le contraire sont de mauvaise foi). On conçoit immédiatement que l'esprit humain dans son désir compulsif de rendre un culte à une instance supérieure est tenté par l'idée de diviser (dvi-kṛi, ou plutôt bhid en sanskrit classique) cet Absolu transcendant tout, ce Brahman, en ce qui est neutre et cette conscience qui évoque une personne. Notons au passage que c'est cette même idée de division, différentiation, qui est à la source de l'individualisme, du désir et de la création du monde. Rien de plus naturel donc que le débat entre advaitisme et dvaitisme soit le principal sujet de la littérature philosphique en sanskrit depuis 3000 ans. L'argument principal des tenants de l'advaitisme pur et dur est que Celui qui est conscient ou disons qui sait, son savoir et ce qu'il sait ne font qu'un. Si Lui–même est pure conscience (une connaissance au delà de l'expression), sa connaissance n'est que l'expression de cette conscience et son objet une simple modification de ce qui est dans l'absolu, à savoir la conscience. La réalité n'est que projection de la conscience, un tour de magie, un rêve, même si paradoxalement on dit qu'on reprend conscience au réveil. La Personne qui crée le monde conçoit l'espace, le temps, le fluide (typiquement l'eau) et le solide (la terre) et elle en fait une cruche emplie d'eau. Mais seule sa conscience existe. Si seule la conscience existe et seul le Brahman existe alors on ne peut que conclure que le Brahman et Celui qui est conscient, l'Atman, ne font qu'un. Les Buddhistes tiennent au contraire pour certain que l'Atman n'existe pas: il n'est que modification (vikāra). Seule l'idée existe selon eux. Mais alors comment expliquer la cohérence des idées? Krishna recommende de ne pas se perdre dans l'abstraction par excès de purisme (Gītā shloka 12.5), même si fondamentalement l'existence est Une (shloka 18.20). Si on cherche maintenant ce qui est essentiellement différent entre la conception Biblique de l'existence et la conception Védique, je pense que le mot advaita le résume. Alors même que les hymnes des Vedas invoquent de nombreux devas en interchangeant leurs noms et en les assimilant parfois dans un hymne aux Vishvedevas, que les Upanishads se posent régulièrement la question de ce qui est prépondérant pour ensuite tout assimiler, l'état d'esprit des textes bibliques est d'établir une hiérarchie indiscutable et de refuser toute sorte d'assimilation.
- adhvaryu: brāhmana officiant dans les sacrifices, ayant pour spécialité de mesurer l'aire qui doit être nettoyée et préparée pour y procéder, réciter certains textes rituels autres que les hymnes, et selon le Rig Veda c'est aussi l'adhvaryu qui presse le soma (Rig Veda livre 2 hymne 16 par exemple). Son nom nous dit que c'est probablement lui aussi qui abattait la victime quand il y en avait une. Pour l'âme sensible qui s'offusque de l'acte de violence perpétué dans un sacrifice animal ce nom (dérivé du verbe dhvṛi: frapper, blesser) est un euphémisme puisqu'il signifie celui qui ne heurte pas. Le choix de ce mot ne relève pas d'un humour macabre mais rappelle à celui qui croit dans la transmigration que l'animal sacrifié accède à une situation meilleure.
- ahamkāra: l'individualisme, la conscience de soi en tant qu'individu ou entité distincte du reste de la création, pourvu(e) de qualités. Comme l'indiquent les racines du mot - ahām ( je) et kara, participe du verbe kṛi ( faire) - l'ahamkara c'est se manifester en disant: "C'est moi!" (voir l'entrée "as" pour plus ample développement). Se faisant on est ahamkṛita, ce qui peut être traduit par égocentrique, individualiste ou agissant à titre personnel. Le contraire est eka-stha et la situation correspondante est eka-stithi: l'unicité du Brahman. L'ahamkāra est l'identité et les guṇas sont les ahamkāras de base. Chez une créature vivante dotée de pensée l'ahamkāra a son siège dans le mental (voir manas et citta). Ou serait-ce bien plus bas? Poursuivant sur le ton de la plaisanterie, on peut aussi dire avec le Nirālamba Upanishad que celui qui dit "aham karomi" (je fais), en parlant de ce que font ses organes, ajoute une pierre à son karma en assumant la responsabilité de l'acte. L'image de la naissance de Brahmā sur le pédoncule d'un lotus lié par un cordon ombilical au nombril de Nārāyana et réciproquement celle de la rétractation de Brahmā, du lotus et du cordon au moment de la dissolution de l'univers sont celles d'une prise de conscience de cet univers et inversement d'une abstraction du réel de la part de Celui qui est Sat-Cit-Ananda. Cette prise de conscience n'est pas sans danger si elle est excessive puisque c'est un transfert d'une part de soi dans l'actuel, de même que la procréation, comme le dit Yayati dans l'Adi Parva, est un transfert d'une partie de son coeur (siège de l'âme). Le bonheur dit le même Nirālamba Upanishad est la forme concrète de cet état de "sat-cit-ananda", mots qu'il est loisible de traduire par béatitude de l'état de pure conscience. La véritable identité nous dit Yajñavalkya dans le Bṛihadāranyaka Upanishad (2.4) est l'ātman. "Lorsqu'il s'en va, il n'y a plus de connaissance et le corps se dissout en éléments qui le composent." (2.4.12) C'est la conscience de ce qu'est un homme, une vache, un ver de terre ou une cruche à eau qui donne corps à ces choses.
- ahimsā: l'abstention de toute forme de violence par la pensée, la parole ou l'acte.
- ākāṡa: le premier des éléments (mahā-bhūta), qui est identifié tantôt à l'espace et tantôt à l'atmosphère selon le contexte. En effet le mot ākāṡa est ambigu car il peut être dérivé du verbe kaṡ (frotter, heurter, faire résonner) ou du verbe kāṡ (briller). A l'origine le mot était sans doute employé exclusivement dans le sens de ciel, qui désigne ce vaste espace lumineux au dessus de nos têtes, puis il devint synonyme de kha (voir cette entrée). La confusion est telle pour ceux dont le sanskrit est la langue maternelle que dans le Taittirīyopanishad (1.6.1) le mot ākāṡa est utilisé pour désigner la cavité dans le cœur où siège la personne. Le premier vers du Shariropanishad dit aussi "ce qui est creux est l'ākāṡa". Ainsi l'ākāṡa de vaste espace lumineux enveloppant tout devint aussi bien un tambour produisant des sons. Un élément dans la cosmologie sāṃkhya n'est pas associé à un seul "principe subtil" ou "potentiel" (tanmātra); c'est déjà un produit dérivé plus complexe. Les fonctions de l' ākāṡa sont de permettre le "potentiel son" mais également de contenir les créatures et de les imprégner (Bhāgavata Purāna 3.26.34). Autrement dit, il possède déjà une fonction de l'élément air (vāyu) qui lui succède dans la création. Le Garbhopanishad définit l'ākāṡa comme ce qui donne place aux choses (avakāṡa), donc l'espace, tandis que vāyu est ce qui se meut, agni ce qui est chaud, āpas ce qui est fluide et pṛitivī ce qui est solide. Cependant vāyu est avant tout le mouvement de l'air, le vent, et est plus ou moins synonyme de souffle (prāṇa), tandis que l'atmosphère (antariksha improprement nommée ākāṡa) est le milieu où le vent se meut librement (Gītā shloka 9.6) et la propriété sensorielle intrinsèque de l'atmosphère est la sensation tactile (en particulier celle de frottement). Ainsi l' ākāṡa, qui à l'origine était l'espace lumineux contenant tout, devint ce fluide subtil que nous appellons gaz en Français, dont les particules se meuvent indépendamment les unes des autres –(le physicien dit qu'elles ont trois degrés de liberté dans l'espace), qui peut pénétrer partout et en ressortir sans avoir subi de transformation ni (au premier degré) de contamination, ce qui fait de lui la chose dans cet univers réel qui est la plus comparable à Viṣṇu. L'activité a lieu dans l'atmosphère spirituelle de Viṣṇu mais le vent n'est pas cette atmosphère spirituelle (Gītā 9.6).
- akshara: ce qui est inaltérable, du verbe kshar signifiant couler, glisser, se dissiper. L'Akshara est le Brahman et la Personne du Brahman, la syllabe Om (AUM –voir entrée omkara) qui évoque le Brahman. Au sens commun l'akshara est la lettre de l'alphabet parceque dans ce qui fait le langage (samskrit) cette lettre ne peut être décomposée en quoi que ce soit de plus élémentaire. C'est parce que la syllabe Om exprime l'acquiescement au Brahman et le vœu de s'élever vers le Brahman, qui est l'Inaltérable par excellence, qu'il fallait une lettre unique (un akshara) pour l'écrire: `. Dans le même état d'esprit chaque lettre de l'alphabet saṁskrit a une signification propre et le son produit est sensé aider intuitivement à le comprendre. Par exemple les verbes dont la racine comprennent une consonne gutturale k,c, g, expriment souvent l'action, le mouvement, l'expression: kṛi, car, kam, gam … Les verbes commençant par la consonne v ont souvent un rapport avec la position: vṛi, vṛit, vas, viṡ… (faut il inclure vid qui exprime un positionnement, du fait de la compréhension de la situation?) A la voyelle a est souvent associée l'idée de commencement, d'acquisition (ad, ap…) et au contraire lorsqu'elle est le préfixe d'un verbe celle de privation. Parmi l'ensemble des lettres l'akshara est la voyelle parceque c'est elle qui fait le son (elle est dite svara: l'esprit du son), tandis que la consonne ne fait que l'habiller (elle est dite: vyanjana: elle donne une forme, une apparence). Ce qui est altérable (kshara) subit des modifications (vikāra): cela se dissipe comme un nuage, s'écoule comme l'eau, fond comme la cire ou se décompose comme le corps et le mot kshara est employé comme une métaphore pour désigner ces choses. Cette définition de l'altérabilité nous ramène à la distinction fondamentale entre être dans l'absolu (as, sat) et dans le transitoire (bhu, bhāva): l'existence des créatures est "kshara bhāva" (Gītā 8.4); la cause primordiale des choses est "sat" et ses effets qui sont par essence des modifications impermanentes sont "asat". Notons que si dans les cas des lettres de l'alphabet akshara est synonyme d'acchedya (insécable), il n'en est pas de même du mantra suprême que le Chāndogya, le Māndūkya, le Taittirīya (5 ème anuvaka) et autres Upanishads, se complaisent à diviser en 3, 3 ½ voire 4 lettres. L' explication en est donnée sous l'entrée Oṁkāra.
- avyaya: autre façon de (non-décrire) décrire par une négation le Brahman et l'ātman, c'est ce qui ne passe pas (a-vi-i), ne disparaît pas, ne meurt pas, donc l'impérissable, le permanent.
- avyakta: autre négation exprimant que le Brahman et l'ātman ne sont pas vyakta: contenu, saisissable, compréhensible, visible, orné d'une forme, autrement dit manifeste. "avyakto'yam acintyo'yam avikaryo'yam": celui-ci (l'ātman) est insaisissable, impensable, intransformable (Gītā 2.25). L'association des trois caractéristiques du réel – manifeste, descriptible, modifiable – exprimée dans ce shloka est très importante sur le plan philosophique. C'est pourquoi on dit couramment que le Brahman est "sat" si on le conçoit comme non manifeste et "asat" si on le conçoit sous la forme de ses manifestations, qui sont multiples, qui apparaissent, se transforment et disparaissent, devenant de ce fait successivement vraies puis non vraies.
- akshauhinī: une armée de 218700 combattants composée de proportions de chars, éléphants, chevaux et fantassins exactement dans les rapports 1:1:3:5. L'élément de base de l'armée est le pathi autour d'un char et ses multiples sont des puissances de 3 du nombre de chars, jusqu'à l'anīkinī (37) comprenant 2187 chars. Une akshauhinī est une armée, probablement utopique, de 10 anīkinīs.
- Amarāvatī: la cité d’Indra dont le nom dérive du verbe mṛi (mourir) comme le mot amṛita ci- dessous. Amarāvatī est littréralement le domaine de ceux qui sont dotés (vat) d'immortalité. En toute rigueur ces êtres supérieurs ne sont pas immortels mais leur existence temporelle sous cette forme est 365 fois plus longue que celle d'un humain puisqu'un de leurs jours correspond à une de nos années.
- amṛita: l'élixir d'immortalité.
- angada: large bracelet porté à l'avant-bras par les guerriers, du nom du fils de Vāli.
- āpsara: nymphe céleste, aux mœurs légères. Pour ne nommer que les plus célèbres Urvaṡī, Rambhā, Tilotttamā, Menakā sont des apsaras. Dans certains textes Mohinī est aussi considérée comme l'une d'entre elles (Brahma-vaivarta Krishna-janma-khanda section 31). C'est dans leur nature d'être des séductrices et on ne saurait leur en tenir grief même si elles constituent une vraie malédiction pour les sages en méditation qu'elles viennent visiter pour les détourner de leur dharma. Mais souvent les textes des Purānas les présentent comme "de mauvaises femmes qui n'ont ni bien-aimé ni ennemi, connaissant seulement leur plaisir et plus dangereuses que des meurtriers" (même source section 23). Certaines sont des victimes comme Ṡakuntalā, dont l'histoire fit l'objet d'une belle pièce de théatre de Kalidas.
- arghya: offrande de bienvenue, la plus simple étant celle d’eau , pour se laver les mains et les pieds puis pour se rincer la bouche et se désaltérer. Elle est une marque de déférence pour le visiteur puisqu'arghya (du verbe arh) signifie "à celui qui mérite". L'arghya rituelle aux pitṛis s'appelle tarpaṇa (du verbe tṛip: rassasier, rafraichir, satisfaire). Le mot hindi ārati (qu'on trouve orthographié arhati, ārthi...) n'est pas lié au verb arh, bien qu'il s'agisse d'une offrande aux dieux, non pas d'eau mais de lumière (chandelle élevée), au cours de la puja qui leur est adressée à la tombée de la nuit (le terme sanskrit correct est āratrika, i.e. relatif à la nuit rātri).
- artha, kāma et dharma: le "groupe des trois" centres d'intérêt humains, qui sont le profit, le plaisir et le devoir.
- ārya: issu du verbe ṛi (agir correctement, s'élever, atteindre), souligné par le préfixe affirmatif ā – donnant ainsi le nouveau verbe ār qui signife faire l'éloge, le nom ārya (m) désigne une personne digne d'éloge; est dite ārya une personne juste, morale, observant le dharma. Le mot est parfaitement défini dans le premier shloka prononcé par Krishna dans la Gītā (2-1), pour fustiger Arjuna qui se lamente sur son destin qui le condamne à se battre avec toute sa famille : kuta tvā kashmalam idam vishame samupasthitam an-ārya-jushtam a-svargyam a-kirtikaram , i.e. "d'où te vient cette faute (indignité) qui s'empare de toi sur le champ de bataille, propre à une personne dont les pratiques ne sont pas ārya, non céleste (a-svargya - ne conduisant pas au paradis) et porteuse d'infamie (a-kirti-kara - faisant sa mauvaise réputation). Le contraire d'ārya est dasa, terme issu du verbe das: apporter la peine, fatiguer. Par exemple l'hymne 1 du livre 2 du Rig Veda, désigne les Dasas ou Dasyus comme les ennemis des Aryas, "ceux qui vivent dans la lumière d'Indra". Les dasas sont donc les tribaux barbares qui ignorent la morale, qui dans les temps modernes sont classés en deux catégories: soit comme adivasi (aborigène vivant dans la forêt et ignorant la civilisation), soit comme dallit, hors-caste ou intouchable (ceux qui sont mis au ban de la société parce que leurs ancètres et leurs occupations traditionnelles ont mauvaise réputation).
- as, bhū et vid: il existe trois verbes pour exprimer l'existence en saṃskrit, selon qu'il s'agit de: (i) l'existence dans l'absolu, le fait d'être conçu, compris comme vrai, incontestable et le restant pour toujours et à jamais, qui se dit sat (racine verbale as, conjugaison au présent asmi, asi, asti, participe présent sat); (i) le fait d'être présent dans le réel, actuel, né et voué à devenir quelque chose d'autre dans le futur qui se dit bhava (racine verbale bhū, conjugaison bhavāmi, bhavasi, bhavati, participe passé bhūta signifiant aussi créature, participe présent bhavat); le fait de se trouver, de se produire, d'être une éventualité connue, l'expression "il y a" en Français, qui se dit vidyamāna (racine verbale vid, au présent actif – "il trouve"- vindati et au passif -"être trouvé" - vidyate). Trois shlokas de la Gītā illustrent particulièrement bien la différence de signification entre as, bhū et vid. En supprimant les liaisons de prononciation pour les rendre plus intelligibles ils s'énoncent: na asataḥ vidyate bhāvaḥ na abhāvaḥ vidyate sataḥ - ce qui est impermanent n'a pas d'avenir et respectivement il n'y a pas d'absence pour ce qui est permanent (shloka 2.16) ; ajaḥ api sat sambhavāmi aham - bien qu'étant fondamentalement non-né je me matérialise (shloka 4.6) ; na tu eva aham jātu na asaṃ na tvaṃ na ime jana-adipāḥ na ca eva bhaviṣiāmaḥ (asam est l'imparfait du verbe as et bhaviṣiamaḥ le futur de bhu)– jamais je n'ai pas été, ni toi ni tous ces rois ici-présents, et jamais nous ne cesserons de devenir (shloka 2.12). L'existence (sat) se manifeste comme la conscience, la connaissance, la lumière qui illumine le corps, ce qui a été exprimé notamment par cette tirade du Yajur Veda et du Bṛihadāranyaka Upanishad (1.3.28): "asato mā sat gamaya, tamaso mā jyotir gamaya, mṛityor mā-mritam gamaya" – de l'inexistence conduis moi à l'existence, de l'ignorance conduis-moi à la lumière, de la mort conduis-moi à l'immortalité." Concernant la création, ce magnifique Upanishad comporte aussi la parabole suivante (Brāhmana 4): "Au début existait seulement le Soi sous la forme d'une personne (ātma eva agra āsit purusha). Il regarda autour et vit qu'il était seul. Il eut peur et pour tromper sa peur il dit : Je suis (aham asmi). Puis il comprit que puisqu'il était seul il n'y avait rien dont il puisse avoir peur. Néanmoins il se dédoubla pour créer sa moitié, etc…" Les consonnes ḥ et s sont souvent interchangeables en sanskrit selon les liaisons phonétiques et les s des mots sanskrits sont remplacés par des h en parsi. Ainsi lorsqu'on dit "je" (aham) c'est pour manifester qu'on est (aḥ ou as). Malheureusement ce faisant on cherche une glace ou on se touche du doigt: c'est l'ahamkara.
- asura: nom des êtres spirituels nés sous les auspices combinées du sattva et du rajas, antonyme de sura. Le mot sura, auquel on attribue pour racine le verbe sur (avoir un pouvoir) désigne le deva (celui qui est divin). Cependant le mot sura est moins souvent utilisé que deva pour désigner un pouvoir spirituel bénéfique (su, svah), et le verb sur a sans doute été forgé spécialement pour lui trouver une étymologie. Mais il vaut d'être mentionné car il est la racine de Sūrya. Par contre asura a pour origine certaine le verbe as, donc un asura est cette entité qui existe spirituellement, indépendemment de tout contexte spatio-temporel. Un asura est une personne divine au sens de spirituel ou supranaturel (en aucun cas une personne sans pouvoir, insignifiante, comme "inexistante", sens que prendrait le mot s'il dérivait de a-sur). Mais par rapport à leurs frères devas au comportement purement sattvika, les asuras sont entichés de leurs pouvoirs, ce qui fait d'eux des démons. Les enfants de Danu et Diti sont des asuras tandis que ceux d'Aditi sont des devas, mais ils ont le même père Kashyapa. On trouve aussi souvent le mot āsura dans la littérature, notamment dans la section 16 de la Gītā. Il désigne une créature démoniaque, qui présente des caractéristiques du démon, parmi les humains par exemple. Grammaticalement c'est un adjectif substantivé, comme son contraire daiva. Kṛiṣṇa définit la personne āsura comme orgueilleuse, insolente, prête à nuire pour satisfaire ses intérêts, coléreuse, violente, ignorante (shloka 16-4). Un autre texte dit que l'asura est celui qui brille dans l'obscurité tandis que le sura brille dans la clareté du jour (la connaissance, les Vedas, qui est pratiquement synonyme de spiritualité et divinité). Certains ont fait le rapprochement entre le mot asura et Ahura-Mazda, le nom de la divinité présidant au sattva dans l'Avesta, le saint livre des Parsis (Zoroastriens). On ne peut nier que les Mèdes ou Perses d'origine Aryenne qui fondèrent cette religion fondamentalement dualiste (dvaita) remplaçaient systématiquement les s par des h dans les mots samskrit (Sindhu, nom samskrit de l'Indus donnant par exemple Hindu pour désigner le peuple qui habite au delà du Sindhu). Il ne convient sans doute pas d'en tirer d'autre conclusion que la parenté des deux cultures.
- āsana: la position assise a une signification symbolique, à savoir que le lieu où l'on s'assoit est celui où l'on s'établit (voir entre autres l'entrée nyāsa et upanishad). D'un point de vue plus pragmatique, on s'assoit sur le sol après l'avoir nettoyé et éventuellement recouvert d'herbe kusha et d'un tapis. Les positions assises du yogī sont au nombre de huit ou neuf selon la source et impliquent toutes un port droit du corps, de la nuque et de la tête. Elles diffèrent par la position des chevilles par rapport aux cuisses, à l'anus et au pubis. Le point médian entre les deux (le périnée) est appelé upastha (ce sur quoi on s'asseoit), où les spécialistes situent le mūlādhara cakra (le site de la racine). Chaque cheville sous le mūlādhara c'est siddha-āsana, sous chaque fesse c'est go-mukha-āsana, sous chaque cuisse c'est svastika, sur chaque cuisse c'est padma (pas facile), l'une contre l'autre devant le sexe c'est bhadra-āsana (encore plus acrobatique). La pression exercée par les chevilles sur ces parties du corps est supposée avoir un effet curatif. Presser son nombril avec les mains est supposé effacer les maux. Mais ce qui importe le plus est d'être assis confortablement (sukha-āsana). En aucun cas on ne doit s'asseoir comme le prescrivent certains manuels buddhiques par respect pour ceux assis derrière soi dans un temple: à genoux avec les pieds d'un côté du corps. La position correcte pour s'asseoir est toujours symétrique avec les pieds ramenés sous soi ou devant soi.
- āṡramas: les modes de vie successifs que devraient adopter l'être humain qui sont le célibat (brahmacharya), la vie de famille "dans une maison" (gārhastya – l'état de celui qui est gṛihastha), la retraite et la méditation (vānaprastha), le renoncement à toute activité (saṁnyāsa ou sannyāsa).
- aṡva: un des noms du cheval, dont l'interprétation n'est pas simple. S'il dérive du verbe aṡ pour parvenir à, obtenir, maitriser c'est sans doute l'animal qu'il convient de dompter. Comme il est dit dans l'introduction, il existe bien d'autres mots pour cheval en saṁskrit, ce qui se comprend car cet animal est une conquête qui a bien aidé l'homme à maitriser son environnement. Le Brihadāranyaka Upanishad commence par une évocation de l' aṡvamedha (voir ci-dessous) qui est un symbole de l'offrande de l'univers au Brahman. A la fin du premier brāhmana (verset) il est écrit: "hayo bhutvā devān-avahad-vājī ghandarvān-arvā'surān-aṡvo manuṣyān" Devenant (sous l'aspect de ) celui qui hénit (haya – qui émet un son fort, qui réjouit) il porte les devas, sous son aspect impétueux (vajīn) les ghandarvas, sous celui du coursier rapide (arva) les asuras et en tant que celui qu'on dompte (aṡva) les humains.
- aṡvamedha: le sacrifice du cheval. Le mot medha est intéressant parce qu'au masculin c'est le sacrifice et au féminin (medhā) c'est la compréhension, tous deux ayant pour racine le verbe midh (ou mid) signifiant faire une association.
- aṡvattha: "sous lequel peut se tenir un cheval", nom s'appliquant aussi bien au banian (ficus bengalensis) qu'au pippal (ficus religiosa), deux types de figuiers qui ont par ailleur chacun un nom spécifique en sanskrit (vaṭa, pippala). Leur signification symbolique est double. En se divisant à l'infini le banian symbolise la ramification des activités et des créations dans le Brahman (voir Gītā section 15 shlokas 1-4). Mais ce banian des activités doit être coupé avec la hache de la détermination car il matérialise la source de tous les maux. L'activité est l'expression de l'individualisme et le banian en est le symbole criant (comme le rappelle le Garuda Purana Ac. Kh. 226.3). Concrètement: 1) la graine du banian comme celle de presque tous les figuiers se développe volontiers au creux d'une branche d'un autre arbre puis en croissant il étrangle son hôte; 2) la multiplication de ses branches et de ses racines, incomparable dans le règne végétal, matérialise parfaitement le concept d'individualisme (prithaktva) et l'ignorance de l'unité (ekam) que Krishna stigmatise comme l'expression d'une conscience rajasique (section 18 shlokas 20 et 21): "cette connaissance qui concoit tout en termes de différence". Ajoutons que l'ombre faite par cet arbre, dans laquelle peut se tenir un cheval pour se reposer, et même parfois un troupeau ou un conseil de village, symbolise l'ignorance qui est l'absence de lumière. Le foisonnement de ses branches, qui est aussi symbolique de celui de la créativité de Brahmā et des hommes (samkalpa), engendre l'égarement. C'est parce que le banian est un arbre qui se divise et entoure qu'on suppose que le mot vaṭa dérive du verbe vṛit (il devrait s'appeler vrata). Mais parallèlement à ce point de vue négatif du banian, on trouve dans les Purānas (Brahma-vaivarta Prakriti Khanda – histoire de Sāvitrī) l'idée que l'arbre de la dévotion entoure puis remplace l'arbre de l'activité matérielle. Une femme se doit d'être dévouée à son époux et Sāvitrī l'était profondément à Satyavān. Le ṡuddh jyeṣṭha purnima au mois de juin est un rituel observé par les femmes mariées consistant à entourer le tronc d'un banian avec un fil de cotton et à lui rendre hommage pour protéger leur époux. D'autres textes (Brahma-vaivarta Krishna-janma-khanda 29.44 to 46) parlent de l'arbre des renaissances (samsāra-vrikṣa), idée corollaire à celle de l'arbre des activités qui décident du karma et de la renaissance de chacun, ainsi que de l'évolution comme les branches de l'arbre du Mahā-virāt dont le Purushottama est la graine. L'arbre est le foisonnement de la vie et l'univers. C'est sur cet arbre que se tiennent aussi les deux oiseaux du Mundaka Upanishad, symbolisant jīva et le Paramātman, l'un mangeant les fruits et l'autre l'observant.
- atiratha: un guerrier d'exception combattant sur char.
- ātman (ātmā au nominatif): le propre de soi ("self" en anglais), par essence immuable et pur, divin et dépourvu de qualités, auquel cependant on a tendance à attribuer celle de bonté. Bien qu'on traduise le mot par soi ou for intérieur, l'ātman n'appartient pas à la personne, puisqu'il est son essence, la vraie nature de celle-là même qui s'entiche de posséder; autrement dit soi n'est pas sien (qui se dit sva). Bien qu'aussi on ait tendance à assimiler ce qu'on appelle "soi" à l'ego, l'ātman est le contraire de l'ego, qui est l'individualité résultant de la prise de conscience d'une identité (ahamkāra, voir ci-dessus). Pour enfoncer encore le clou, l'ātman n'a rien de personnel au sens qu'on donne à cet adjectif en général. L'ātman (ou âme) est selon la Bhagavad Gītā (shloka 2.16 en particulier) la seule existence permanente, que je qualifierai de subjective, par opposition à l'ahamkāra qui est l'existence objective de la personne, celle qui manifeste sa présence et qu'on peut décrire. Lorsqu'il s'incarne, précisément pour se manifester, l'ātman devient jīva. Les deux mots sont du genre masculin. L'ātman est une parcelle (aṃṡa) du Parama-ātman, un rayon de cet astre en quelque sorte. L'étymologie du mot aṃśa étaie le concept que l'âme est une particule subtile imprégnant le corps puisqu'il est issu du verbe aś signifiant obtenir, parvenir à, pénétrer, imprégner. On ne saurait trop souligner que le concept d'ātman est assez éloigné de celui de psyche ou d'anima dans la culture Greco-romaine même si certains, influencés par les colonisateurs Moghols et Anglais, se sont efforcés de les faire coincider. Ainsi Monier-Williams propose de faire dériver ātman d'un mot hypothétique 'tman qui signifierait souffle vital, ce qui est la définition d'anima en latin mais de prāṇa en sanskrit. Il aurait pu le rapprocher de ama qui dérive du verbe am (aller) et qui signifie violence, force, pouvoir et qui est un autre nom de prāṇa. En fait il aurait surtout été beaucoup plus logique de sa part de noter que l'ātman est qualifié d'aṇiman (infiniment petit) dans le Chāndogya (6.8.7) et autres Upanishads: "sa ya eṣaḥ anima etad ātmyam idam". Mais on sait que dans la culture latine l'anima est conçue comme matérielle puisque les animaux en sont dotés et qu'ils sont supposés ne pas avoir d'âme (ni même de sensations!). En fait dans la culture védique prāṇa (qui est un mot masculin également) est un concept ambigu, tantôt matériel lorsqu'il est question des fluides corporels, tantôt spirituel dans tout contexte où il est question de la vie qui est de nature divine. Les mots sont des outils conçus par le mental pour répondre à une définition, une description, et le mot ātman est tout aussi ambigu car on peut le définir comme "l'image qu'on a de soi". Aussi pour Descartes sa définition est-elle la personne spirituelle, la conscience ou la pensée, pour Adonis c'est le corps, et pour certains même le chapeau qu'ils aiment porter ou tout autre signe caractéristique auquel ils s'identifient (voir à ce sujet un texte de l'Anushasana Parva). En tant que deuxième membre d'un mot composé ātman ou ātmika signifie celà-même, l'essence-même, et est à peu près équivalent à sva-bhāva (sa propre nature). Bien qu'en toute rigueur ce soit l'inverse: dire d'un pot qu'il est "mṛita-ātmika" signifie que par essence ce pot est de la glaise et le pot devient (bhū) la manifestation (bhāva) de la glaise. A la question "qu'est-ce que le Brahman?", le Taittirya Upanishad section 2 et le Chandogya Upanishad section 1 répondent: c'est l'essence (ātmā) de l'espace parce que c'est sa source (etasmādātmana ākāṡa sambūtaḥ) et l'espace est l'essence de l'air, qui est l'essence du feu, puis de l'eau, de la terre, de la nourriture, de la semence, du corps, du souffle vital, de l'intelligence, la conscience, nous ramenant ainsi au départ. Le Brahman est l'Existence qui se manifeste par la Conscience (Ṡṛī Bhāṣya, commentaires de Ramanuja sur les Brahma sūtras). Pour la plupart des personnes exister signifie être en vie (jīvan), ce qui fait dire d'une personne décédée: elle n'est plus. Pour en juger on vérifie si elle est animée d'un souffle (prāṇa) ou de battements cardiaques. Mais Krishna dit: "Je suis la vie dans les créatures" (Gītā shloka 7.9) et tous les Upanishads s'accordent à dire que c'est l'ātman qui crée le corps qu'il veut habiter puis qu'il l'imprègne, comme Vishnu imprègne le corps de l'univers. La vie est donc bien un principe spirituel; seul son véhicule est matériel. Jīva, littéralement celui qui vit, qui est synonyme de dehin, l'incarné, celui qui a un corps (deha), est l'ātman incarceré dans un corps et doté d'œillères lui donnant une vision erronée de ce qu'il est: il se conçoit au travers de ce qu'il voit; il "s'identifie". Qu'est-ce donc alors que ce propre de soi qui n'est pas le corps, ni la pensée qui est une fonction du corps selon la logique sāmkhya, ni même un chapeau? "Tat tvam asi" nous dit le vers 6.9.4 du Chandogya Upanishad: tu es ce Brahman. Ce qui (n'ayons pas peur de le répéter une fois encore) signifie que celà-même qui est soi n'est pas individuel, qu'on ne peut le pointer du doigt dans la glace, et que seul celui qui est capable de faire abstraction de cette image qu'il peut pointer du doigt sait de quoi il s'agit. En fait l'aphorisme "Tat tvam asi" nécéssite un complément qui est: "Om Tat Sat". Le "Tat" est existence "Sat". Selon la Gītā, l'ātman et le Parama-ātman sont tous deux présents en chaque corps et tous deux ne cessent jamais d'exister, avec ou sans corps. Tous deux sont indestructibles, incorruptibles, indescriptibles, difficilement concevables, non manifestes, immobiles et partout à la fois (Gītā shlokas 2.24 et 2.25). Ils ne sont ni l'un ni l'autre directement impliqués dans l'action (seul le corps l'est) mais la parcelle vivante (jīva) ressent plus vivement les plaisirs et les souffrances, comme il va de soi puisqu'elle s'identifie à ce dont elle a conscience. Libre à tout un chacun de concevoir l'Ātman ou Parama-ātman, ou encore l'Adhyātman (Brahman sva-bhāva), comme un fluide d'existence imprégnant tout (sans s'y fixer insistent les shlokas 9.4, 9.5 et 9.6 de la Gītā) et jīva comme un peu de ce fluide mis en bouteille, ou bien de se ranger aux côtés des dualistes purs et durs qui insistent sur le fait que l'ātman n'est pas un quanta indifférencié d'Ātman, qu'ils sont distincts dans le corps et que l'ātman ne peut se fondre en l'Ātman que par la dévotion, ce qui en fait revient au même à condition d'être capable d'abstraction. En effet chacun se conçoit comme il lui convient et appelle cela ātman, qu'il peut vouloir garder pour lui (objectivement suis-je tenté de dire) ou partager avec l'Ātman. C'est le principe même qui conduit soit à la transmigration soit à la libération. Le Brahma-vaivarta Purāna (Krishna-janma-khanda section 67 shlokas 46-48), ainsi que le Brahma-bindu-upanishad (vers 12) proposent une description résolument plus moniste de l'indescriptible: "jīva est la réflexion (bimba) de l'Ātman sur le miroir du corps et quand le miroir est cassé l'image disparait". Puisqu'il est question d'image, une qui vient à l'esprit est celle du soleil se réflétant sur la mer, chaque reflet sur une vague étant une parcelle de la lumière de l'astre du jour. Pas de quoi en faire un Mahābhārata (une guerre de famille) ou un Jihad puisque l'image est matérielle contrairement à l'ātman et que pour certains elle est illicite, n'est-ce pas? D'ailleurs la Gītā ne rejette pas le point de vue moniste, puisqu'elle parle aussi d'une "présence unique dans la diversité de ses manifestations" (shloka 18.20).
- ātmanepada – parasmaipada: littéralement positionné en soi ou positionné en autrui. Ce terme grammatical constitue une subtilité spécifique à la langue sanskrit, qui doit bien être distinguée des formes réfléchie ou passive dans d'autres langues. Ainsi selon qu'on dise karoti ou kurute: dans le premier cas (parasmaipada) il faut comprendre qu'il fait quelque chose qui est généralement précisé par un complément d'objet direct, dans le second (ātmanepada) il faut comprendre qu'il est actif. C'est important car certains verbes apparaissent préférentiellement sous un seul de ces deux modes, impliquant que l'action est introspective ou extravertie. Ainsi le verbe īkṣ qui est ātmanepada signifie voir au sens de concevoir tandis que dṛiṡ signifie voir une forme physique: īkṣate bhāvam = il conçoit l'existence (Gītā shloka 18.20), paśyati bhavatam = il voit celui qui est ici présent (qui lui fait l'honneur de sa présence). Des verbes tels que man (penser, comme Descartes: cogito ergo sum) ou ās (s'assoir) sont tout naturellement ātmanepada, tandis que cint (penser que, percevoir, réfléchir à, être conscient de) est parasmaipada.
- avasthā: les états de conscience, que sont l'éveil (jāgrata), le rêve (sapna), le sommeil profond (sushupta), la conscience pure dans le yoga (turya). Le Brihadarayanaka dit du rêve: c'est cet état où on sait que ce dont on jouit on le crée soi-même. "Dans cette condition entre la vie et la mort on est conscient des deux états de la personne" (4-3.9)
- avatāra, anṡa et vyūha: il est préférable de parler d'une manifestation sous une forme (mūrti) que d'une incarnation proprement dite car les avatāras de Viṣṇu ne sont pas évanescents. Ils résident en des endroits de leur choix, souvent indéterminés mais parfois bien définis comme Kashyapa qui est dans le Pātāla. Dans le Rāmāyana, Rāma n'abandonne pas son corps sur cette terre mais retourne dans les sphères célestes sous cette forme. Parasurāma continue à errer sur la terre après avoir accompli ses exploits, jusqu'à ce qu'on lui intime de se tenir tranquille quelque part dans les monts des Ghats. Chaque avatāra de Viṣṇu "passe dans" le cycle temporel (sens propre du mot) au cours d'un yuga bien défini d'un manvantara précis. Ainsi le huitième avatāra de Viṣṇu, Krishna, paraît à l'orée du kali-yuga durant le règne du Vaivashvata Manu. Selon le canon, les avatāras sont littéralement des formes passagères de Viṣṇu (de ava =vers le bas et tri= traverser), donc des anṡa (des formes partielles, littéralement des portions ou plus poétiquement des rayons de ce Soleil); ce ne sont pas des vyūha (des formes fondamentales) qu'Il adopte au cours de l'évolution de l'univers.
- Ayodhyā: cité du roi Rāma, capitale de Kosala, située au nord de l'Uttar Pradesh près de la frontière avec le Népal .
- āyurveda: "la science du vivant", médecine ancienne dont l'enseignement serait parait-il une branche de l'atharva-veda, mais qui fut en fait développée dans le sud de l'Inde principalement de même que la chirurgie. Contrairement à la médecine occidentale (qui parce qu'elle est fondée sur une philosophie individualiste) traite chaque maladie séparément, l'ayurveda traite l'état du patient dans son ensemble (en conformité avec le principe de base de la philosophie orientale). On trouve des exposés d'ayurveda dans le Garuda Purana (sections de L'Ac. Kh. 145-204: "Dhanvantari samhitā" – du nom du guru de l'ayurveda) et l'Agni Purana (section 279 et suivantes). Des traitements de base sont: le jeûne, surtout en cas de fièvre; une alimentation appropriées, à base de diverses types de riz, de céréales, de produits laitiers choisis selon le cas (comme le riz entier et le yaourt en cas de désordre intestinal), et d'une vaste panoplie de fruits, d'herbes et racines. Un souci constant est de faire le rapport entre le désordre observé et le bon fonctionnement de celui des cinq prānas qui est concerné. Les épices plaisantes au goût des palais indiens ont l'avantage (ou du moins la réputation) d'être aussi bonnes pour la santé.
- bhaj: un verbe qui mérite une explication détaillée du fait de la complexité du concept qu'il exprime et de son importance puisqu'il s'agit de la dévotion. Au sens le plus commun bhaj signifie diviser, distribuer, partager. Le partage est réciproque et si le dévôt donne tout à celui qu'il vénère et appelle Bhagavān, Ce dernier dit aussi dans la Gītā qu'il veille sur son dévôt en utilisant le verbe bhaj (shloka 4.11). Bhakti est le partage et paradoxalement ce partage implique l'unicité. On partage avec celui qu'on considère comme part de soi-même (en particulier un enfant) ou parce qu'on considère qu'on fait partie de Lui. Le partage est sans concession et c'est sans doute pourquoi le verbe est aussi employé dans divers sens de servir sans concession: celui qu'on donne au mot dévotion bien sûr mais aussi de servir sa vocation professionelle, servir ses plaisirs ou les cultiver, servir la morale.
- bhuj: d'un intérêt plus secondaire pour la compréhension des textes saṃskrits que la racine verbale précédente, celle-ci exprime en quelque sorte le concept opposé. En effet bhuj signifie manger et boire, jouir de quelque chose, le posséder, l'assouvissement du désir (exprimé par le verbe kam). Kam et bhuj sont les expressions fondamentales de l'individualisme (ahamkara). C'est parce qu'il s'identifie à un corps, donc qu'il est localisé dans un volume défini, que l'incarné (jīva) ressent le désir de posséder autrui ou de dévorer une proie. C'est pour cela que dans le Bṛihadāranyaka Upanishad le processus de création est présenté comme le fait de la Faim qui veut se mettre quelque chose sous la dent. Le désir et la possession sont l'aliénation, le contraire du partage.
- bṛih: je ne considérerai que la forme du verbe qui se conjugue comme une racine du 1er groupe ( bṛinhati) et qui signifie être épais, s'étendre ou croître en force, dont sont issus l'adjectif bṛihat (grand) et surtout le nom Brahman (ce qui s'étend). A ne pas confondre avec bhṛi, signifiant porter, supporter. Le but de cette note sur une racine verbale par ailleurs peu utilisée n'est pas académique. Il me paraît intéressant de l'opposer à la racine kṛit (conjuguée comme kṛiṇatti), qui elle signifie entourer, englober, renfermer. De cette dernière dérive l'adjectif kṛitsna signifiant tout, entier, complet, mais aussi les eaux, par association d'idée au liquide amniotique, ainsi qu'à l'image de Nārāyana flottant sur les eaux et procréant un œuf d'or ou un lotus selon les versions. En quoi ces deux idées s'opposent-elles? Parce que ce qui est kṛitsna est circonscrit, défini et s'applique par exemple à l'univers: kṛitsnasya jagatah (Gītā shloka 7.6). Tout ce qui est matériel, réel, est définissable (à partir des gunas selon la théorie saṁkhya) et par conséquent est limité. Par contre l'Absolu, Suprême, au dela de Tout, qui est indéfinissable (avijñeyam – Gitā 13.16), infini et nécessairement indivisible (voir advaita), est volontairement évoqué par le nom de Brahman pour bien exprimer que Cela n'est ni ceci, ni cela qu'on connaît et qu'on peut désigner et aussi définir (l'univers inclus), mais que Cela dépasse l'imaginable acintyam), toutes les idées formulées et toutes celles qui ont été concrétisées dans la création. Celui qui prononce le mot Brahman est conscient que rien n'est étranger à cet Absolu, que l'idée d'individualisme en tant que telle est symptomatique d'un égarement de l'esprit (vimudha ātma). De plus il y a l'idée qu'être situé dans le Brahman (Tat tvam asi) c'est transcender tout, que le Brahman est la connaissance et la transcendance. Transcender est donc le sens religieux du verbe bṛih. Mais transcender tout c'est aussi se libérer de la dépendance des contraires et de l'identité, de la volonté de posséder. Etre situé dans le Brahman c'est donc être libre, d'où le concept de Brahma nirvana. Enfin le brahmacarya est un test d'aptitude à la transcendance (célibat) en même temps qu'une pratique (carya) de la connaissance. Ajoutons qu'il est assez frustrant pour celui qui cherche la connaissance, celle qui compte (tattva-jñana - Gitā 13.12), de se contenter de dire le Brahman C'est la connaissance, ce qui est à connaître et à approcher par la connaissance (Gītā shloka 13.18), c'est la lumière, ce qui est et ce qui ne fait que paraître transitoirement (sat – asat), c'est partout, dans tout, mais pour conclure c'est indéfinissable. Les sages dans les Upanishads ne cessent de se réunir pour se défier l'un l'autre d'en donner une définition. Yajnavalkya (Brihadāranyaka 4.1.) utilise une formule assez plaisante. Il dit:" Untel m'a dit que le Brahman est l'intelligence, tel autre qu'il est la vie, un autre encore qu'il est la vérité, ou encore l'infinité, la stabilité, la béatitude… Mais aucun ne m'a dit que chacune de ces définitions n'est qu'un pied du Brahman (eka-pād vā etat). La leçon à retenir est donc qu'il faut accepter les conceptions partielles pour ne pas encourir le risque de démissionner.
- Bhūr Bhuvaḥ Svaḥ: voir aussi l'entrée "as" concernant le verbe bhū et l'entrée "su" concernant l'origine du mot svaḥ. Ce sont les trois mondes (lokas) de la matérialité, des énergies et de la spiritualité. La matérialité est le monde des hommes et autres créatures matérielles (bhūta) sur la terre (bhūmi), l'énergie est dans l'atmosphère (antariksha, akasha), et la spiritualité est dans le monde non manifeste. Le Bṛihadāranyaka (1.5.16) nous dit que le bhuvaḥ est non seulement le monde d'Agni, de Vāyu (et ajouterais-je personnellement celui d'Indra), mais aussi celui des ancètres (pitṛis). En effet on accède au bhū (dans une vie ultérieure) en produisant un fils, on accède au bhuvaḥ par de bonnes actions et on accède au svaḥ par la connaissance.
- buddhi: l'intelligence, la compréhension, dont la nature (guṇa) et l'objet (jñāna) présente des degrés: voir à ce sujet Shānti Parva CCXLVIII-CCL. Le degré supérieur (sattvika) dépasse la simple capacité de raisonnement juste, celle dont il est question lorsqu'on parle d'intelligence artificielle, et la compréhension phénoménale de l'univers où l'on vit. On qualifie ce degré supérieur de transcendantal. C'est un état de conscience, une intuition. Selon Krishna (shlokas 18.30) la vraie intelligence est celle qui discerne ce qu'est le devoir, ce qu'il y a lieu de faire, en quoi consistent la crainte, l'asservissement et la liberté. A coté de cette intelligence sattvika il en est deux autres, rajasa et tamasa, qui interprètent tout en fonction de ce qu'elles cherchent à justifier. L'intelligence oriente la connaissance (jñāna), qui elle est la façon de voir les choses (shlokas 18.20 à 18.22). Je serais tenté de dire que, contrairement aux apparences, l'intelligence est un filtre (ou un interprète) qui limite la pleine conscience de ce qui est vraiment, simplement parce qu'elle est liée au corps habité par la personne. C'est pour cela que le détachement est la clé de la vraie intelligence. Les sens sont inféodés au mental qui gère, mémorise les sensations et les réinvente dans le rêve, et le mental est inféodé à l'intelligence qui oriente les pensées: elle est l'aurige du char qui emmène la personne dans le champ d'activités du réel tandis que le mental est les rênes qui dirigent les chevaux des sens. Une image plus moderne serait de dire que les sens lisent les pages visitées sur internet, le mental est les cookies et l'intelligence la motivation des recherches. On est loin je pense de la conception matérialiste moderne qui veut que l'intelligence soit une propriété du mental. Qu'est-ce qui indique que l'intelligence reste du domaine du matériel? Elle se sert des mots du mental pour concevoir les idées et elle sert les désirs du mental (parce qu'elle s'identifie à lui), beaucoup plus aisément qu'elle ne les rejette pour se consacrer à la méditation. La 2ème section de la Gītā explique que buddhi doit être guidée (yukta) par le propre de soi (ātman) pour qu'elle soit dirigée dans une direction unique au lieu de se disperser. En particulier le shloka 2-63 exprime une idée intéressante concernant sa relation à la mémoire des expériences vécues qui se trouble (comme une étendue d'eau) quand elle est agitée par les sensations et sentiments. L'intelligence cosmique porte un nom particulier (mahat): c'est en fait la "mémoire" de l'ordre des choses (mémoire est encore une fois un lapsus dicté par la culture; le mot compréhension étant plus approprié), la génétique, le savoir faire de la création. Sur le plan grammatical, notons que le mot buddhi, formé à partir du verbe budh (comprendre), bien que féminin se décline comme un mot masculin (sur le modèle d' agni), ainsi que le mot dhī (l'idée, la pensée) et le mot vāc (la parole), étayant le principe énoncé entre parenthèses sous l'entrée Agni du lexique.
- cārana: barde itinérant (de carana: le pied), être semi-divin vivant dans le karmabhūmi.
- cakra: le cycle, qui peut être celui de la nutrition et des devoirs mutuels tel que dans le shloka 14 de la troisième section du Bhagavad Gītā, celui du temps, l'arme préférée de Krishna et Vishnu Sudarṡana. Nul doute que Sudarṡana (celui qui est beau à voir) est le cycle du temps car le temps est l'attribut de Dieu seul. Mais ne peut-on aussi y voir une galaxie enroulée autour de ce qui aspire tout (un trou noir)? Concernant les cakras du corps voir l'entrée nāḍī.
- cit: c'est avant tout une racine verbale signifiant penser avec la nuance positive de percevoir, se rappeler, avoir une idée. Les philosophes accordaient une plus grande valeur à la révélation, la perception, la "vision" directe ou indirecte (yoga, méditation) qu'à la réflection et la déduction par le raisonnement (exprimées par les racines racines cint et man – voir ci-dessous). Pour simplifier disons que le verbe cit signifie "avoir une lumière" comme dans les bandes dessinées quand une petite ampoule s'allume. Ce qui est pensé (adjectif) se dit aussi cit tandis que la pensée se dit citi (féminin) et le fait de penser citta: aneka-citta-vibhrāntā... (Gītā shloka 16.16) – agités par de multiples pensées... Il existe plusieurs mots spécifiques pour exprimer le concept de conscience (cetas), l'état conscient (cetana) et le siège de la conscience (caitanya - le mot est neutre comme cetas), mais ils sont le plus souvent remplacés simplement par cit comme dans l'expression classique pour tenter de décrire Krishna ou le Brahman : "sat cit ananda" – pure existence conscience et béatitude. La racine verbale cint dérivée de la précédente, exprime un autre mode d'acquisition de la connaissance plus laborieux ( à rapprocher des deux modes de conjugaison du verbe vid – voir entrée jnāna) consistant à réfléchir, considérer les choses, en tenir compte, sans nécessairement réussir à se former une idée claire. Faire fonctionner ses méninges se dit man et se conjugue dans le mode ātmanepada (manyate) contrairement à cint (cintayati). De la racine man sont issus les mots mata (la pensée), manas (le cerveau) et manu (l'homo sapiens). La section 7 du Chāndogya Upanishad explique très bien la progression de citta à samkalpa (la conception), puis à mata, et enfin à naman (le nom): citta est la pensée spirituelle, mata la pensée matérialisée. A mon opinion, mais je pense que c'était aussi celle des philosophes qui ont conçu l'idée du kali-yuga, il faut voir dans cette progression une modification au sens péjoratif de dégradation vers la matérialité (à rapporcher aussi du sens péjoratif que Lorca donnait au mot progrès). Mata est la forme (avec des mots) tandis que cita est l'essence, de même que mahabhūta est l'élément matériel tandis que tanmātra est l'essence qui a justifié la nécessité de le créer. Il existe aussi un mot sublimal pour la pensée intelligente: dhī (féminin), qu'on retrouve notamment tout au long de la section 2 de la Gītā dans l'expression stitha-dhī: ayant des idées claires et fermement établies. Dhī, qui est aussi un verbe, se conjugue selon le mode ātmanepada (dīdhīte) et exprime la nuance de réfléchir, méditer, dont dérive le mot dhyāna pour la méditation métaphysique. Si le dhyāna yoga est une voie du samādhi, cependant c'est le verbe cit qui transcende la pensée matérielle, mentale, réfléchie. Lorsque Krishna dit qu'il crée par la vertu de sa yoga māyā, ces mots expriment sans doute un processus de conscience instantanée de l'existence des choses et de leur nature, l'activation d'une synapse intuitive (synapse se dit yoga en sanskrit). Sa conscience (cit) devient ceci et celà: le goût de l'eau, l'odeur de la terre, la splendeur du soleil et de la lune, la vie des créatures. Ce qui nous ramène au concept difficile à accepter pour l'homme moderne, imbu de ses succès scientifiques acquis par le raisonnement, la pensée laborieuse (mata): l'homme ne crée rien, il ne fait que retrouver ce qui existe déjà dans la conscience universelle du Brahman (cit).
- Ciṭrakutā: "excellent pic" , lieu où se trouvait l'hermitage des sages Atri et Agastya, au sud ouest du confluent des rivières Ganga et Yamuna (Prayag, nom ancien d'Allahabad). Rāma y rendit visite à Agastya et y séjourna quelque temps avant d'entrer dans la dangereuse forêt de Dandaka.
- citta: littéralement ce qui vibre, est une notion complexe, qualifiée de truc mental par Swami Vivekananda, comprenant le cerveau ("esprit" ou mana), la volonté et l'intelligence (buddhi), en quelque sorte l'instrument complet de transmission entre le self (ātmā) et les sens (indriya).
- chanda: (s'écrit avec la lettre ch en devanagari prononcée avec un son plus aspiré que le c) ce mot dérivé du verbe chad (plaire) désigne le mêtre poétique. La poésie, qui fut dit-on découverte par Vālmīki avec l'aide de Brahmā, est un élément essentiel de la culture Védique, à considérer avec la musique comme deux contributions artitistiques importantes au patrimoine de l'humanité. La majorité des écrits védiques sont en effets en vers et l'un des Vedas (le Sama) est accompagné de notes pour être chanté. La syllabe Auṁ elle-même est une note soutenue et le Chandogya Upanishad enseigne son importance. Il existe 7 mêtres de base en poésie saṁskrite, qui se composent de 3 ou 4 pieds (pada) formés chacun de 8, 9, 10, 11 ou 12 syllabes: le mêtre (8,8,8) s'appelle gāyatri et le mêtre (8,8,8,8) s'appelle anushtubh ou shloka. En plus l'alternance de syllabes courtes (une consonne suivie d'une voyelle courte a, i, u: tel ki dans Vālmīki ) et de syllabes longue (vāl ou mī dans Vālmīki) est étudiée pour conférer un rythme à chaque pied. Les vocalises des chevaux n'ont pas manqué d'attirer l'attention des Aryens, aussi sont ils appelés haya et Vishnu, dans l'un de ses āvataras nommé Hayagriva, s'est doté d'un cou de cheval pour réciter à Brahmā les Vedas avec la bonne intonation; ce détail démontre si nécessaire que ce n'est pas un art mineur. Le char de Sūrya est tiré par 7 chevaux, nombre qui n'est par ailleurs pas considéré comme particulièrement propice. Pourquoi 7 donc? C'est le nombre des couleurs dans l'arc-en-ciel et le nombre de mêtres en poésie. Sous tous les cieux le dieu solaire est donc considéré invariablement comme un poête, faisant de l'art avec ses rayons et invitant les oiseaux à chanter lorsqu'il apparaît dans le ciel. dakṣ, dakṣa, dakṣiṇa et uttara: la racine verbale dakṣ exprime l'idée d'agir de façon satisfaisante, i.e. de satisfaire les purusharthas (dharma, kāma, artha, moksha). Pour cela la personne qualifiée de dakṣa doit être capable, forte, experte, intelligente, industrieuse, talentueuse. Le pronom dérivé dakṣiṇa a pour sens premier "à main droite" et il convient de lui associer l'idée que ce qui est à-droite est correct (daksha) et ce qui est à-gauche (apadakṣiṇa, apasavya) est impropre (apa-su). Il convient de tourner autour d'une personne en la gardant à main droite pour lui montrer du respect, comme par exemple l'idole dans le cœur du temple, mais aussi l'ennemi méritant le combat sur le champ de bataille (nombreux exemples dans le Mahābhārata). Comment le pronom dakṣiṇa en est-il venu à signifier "au sud? Sans doute parce que c'est la direction qui se trouve à main droite quand on fait face à celle de la prière (l'est). Le substantif féminin corespondant Dakṣiṇā est le nom d'une déesse et il va de soi qu'elle est l'épouse de Yajña, car le nom commun dakṣiṇa désigne un don d'argent, de vaches ou autre aux brāhmanas et sannyasins. Celui qui ne fait pas un tel don à l'issue d'un sacrifice est incompétent (a-daksha) dans la pratique du sacrifice. Mais l'idée d'expertise est aussi associée à Soma. La personne (i.e. l'ātmā incarnée: dehi) qui aspire à renaître dans le karma-bhūmi, ou qui y est condamnée en raison de son individualisme, de son expertise dans l'action en quelque sorte, se dirige vers le domaine de Soma au moment de la mort (prayāna-kāle –Gītā 8.25). Par association d'idée, le sud est la direction vers laquelle se dirigent les pitṛis en instance de renaissance après la mort, celle du royaume de Yama. La direction opposée, le nord, n'est pas appelée apadakṣiṇa mais uttāra, car c'est celle qu'un personne prend quand elle "passe au travers" (ut-tṛi) et est délivrée, la direction où vers laquelle se dirigent les ṛishis qui veulent voir Nārāyana dans les Puranas. Les anciens accordaient une grande importance aux symboles, aussi étaient-ils persuadés qu'il convenait de mourir dans la lumière, parce que celle-ci est symbole d'intelligence. Aussi dit Krishna (Gītā shloka 8.24), qui considère qu'il ne faut pas condamner les anciennes croyances mal comprises, une personne qui aspire à atteindre le Brahma loka prend soin de mourir dans la lumière du jour, celle du feu, celle de la lune croissante (ṡukla) et pendant le semestre où le soleil se dirige vers le nord (uttara-āyana) parce qu'alors les jours croissent. C'est ce qui retient Bhīṣma de rendre l'âme jusqu'au jour où le soleil commence sa course vers le nord. Nous savons tous que ce jour est le solstice d'hiver et cependant dans le calendrier Hindu moderne la fête de la fin de l'hiver (uttarāyana ou makar sakrānti) est célébrée le jour où le soleil entre dans le capricorne. Ce jour là on sort les cerfs volants.
- dama: la maîtrise de soi.
- Dandaka: la forêt au sud des monts Vindhyas où vivent les rākshasas.
- deva: étymologiquement (issu du verbe div) deva est celui qui joue librement, le diurne. Le soleil, la lune, le précepteur, le père et la mère, ainsi que l'invité qui fait la grâce de sa présence sont deva. Le Tout Puissant (Īśa Īśvara ou Purushottama) est deva par excellence: Adhi-deva, Deva-īṡa ou tout simplement Deva-deva. Le deva est su (propice), tout en étant asur (spirituel et vivant). Les devas sont les identités (ahamkara) de chaque concept individuel, les implications de la conscience divine dans l'univers. Ce sont des états de conscience partiels de chaque entité conçue, ce qui justifie l'affirmation de la Gītā et des Purānas que les devas ne connnaissent pas leur créateur. Les principaux d'entre eux président aux sens. Tulsidas fait dire à Kākabhuṡuṇḍi dans la conclusion du Ṡṛīrāmacaritamānasa (Uttarakanda 117) que "postés aux portes du corps (qui est notre univers personnel), ils sont toujours avides de jouissance et distraient l'intelligence de son objet plus fondamental (la connaissance). C'est pour cela que le préliminaire essentiel du yoga est la fermeture des portes des sens auxquelles les devas sont attentifs ("sarva dvarani nyamya…āstitha yoga dhāranam"). Cette remarque m'offre une occasion de formuler une critique de la conception occidentale moderne du yoga: découvrir son corps, son univers (dérive du tantrisme sans doute), ne peut en aucun cas conduire au samādhi (voir entrée dhī, dhyana) puisque cette découverte distrait de l'essentiel. Ce que préconise l'enseignement des étapes du yoga (aṅga-yoga) est de concevoir l'essence spirituelle de chaque partie de son corps, le deva en chacune d'elle à titre de préliminaire au samādhi. Celui-ci peut être conçu comme la concentration de chaque concept dans son essence, comme des poupées gigognes, telle qu'elle est pratiquée par le Purusha à l'instant de la dissolution de l'univers (pralaya).
- dhanu: l'arc.
- dhṛi: supporter au sens de tenir fermement et maintenir en place. Cette racine verbale (conjuguée comme dharati au présent) mérite un enrée dans ce lexique en raison de l'importance des mots qui en dérive, dont: dharma, dhartṛi, Dharaṇi, tous 3 signifiant cela, celui ou celle qui supporte, Dhṛitarashtra, dhṛiti (la fermeté) et Dhruva (le résolu). Dhartṛi est un des noms du Seigneur, à ne pas confondre avec Dhātṛi qui lui est issu du verbe dhā (poser, placer) et qui peut aussi être traduit par celui qui supporte mais au sens de celui sur lequel tout repose, sur lequel tout est fondé, le siège, la demeure (dhāma). Cependant les deux ne sont pas sans rapport, dhṛi pouvant presque être considéré comme une contraction de dhā et hṛi, au même titre que bhṛi qui lui aussi signifie porter, avec la nuance de posséder, être doté de, être en charge de (un vêtement, un royaume, mais aussi un fardeau). Le mot Bharata est assez trompeur, selon qu'on le considère comme le participe présent portant" (bharata) ou une déformation du participe passé passif porté (bharta); le premier est pratiqument synonyme de dhartṛi.
- dharma: ce qui supporte l'ordre cosmique, à savoir le devoir moral, la religion, la vertu. Nombre d'auteurs, notamment des Indiens influencés par les idées occidentales (Shashi Tharoor entre autres), considèrent que le mot dharma est intraduisible parce que dans leur esprit le devoir (surtout en anglais où le mot "duty" signifie littéralement la tache à accomplir), la morale et la religion sont des concepts distincts. En fait il n'en est rien dans la majorité des civilisations asiatiques. Ainsi en Chine et dans les pays voisins d'Asie du Sud-Est faire son devoir envers la société, agir moralement et honorer ses ancêtres sont une même chose. La religion est beaucoup plus qu'un culte rendu aux ancêtres ou aux dieux; c'est avant tout un état d'esprit. On entendait parfois dire en France dans le passé: "cet homme a de la religion", ce qui en fait signifiait qu'il était respectable pour sa grande moralité. La locution est devenue surranée à n'en pas douter parce que dans une société qui se veut résolument laïque l'usage du mot religion est devenu un blasphème contre le bien-penser. Le dharma, le devoir ou la morale, est donc au sens littéral en saṁskrit ce qui est conforme à l'ordre des choses, à ce qui est juste ou vrai, c'est à dire le Sat qui n'est autre que le divin: la morale et la religion ne font donc qu'un. Quant à la morale élémentaire basée sur la conception que tout un chacun a des droits, elle traduit un souci d'autoprotection (ne fait pas à autrui...) qui est à l'opposé du fondement de la religion en orient, où l'ahamkara est l'ennemi. Il existe cependant une gradation dans la religion. Le dharma est l'observation des règles de conduite (śastra), qui à la base sont énoncées dans les Vedas (śrutis). Mais plus tard les philosophes Indiens (en particulier les adeptes de l'école Purva Mimānsa de Jaimini aux 3rd-1st siècle avant JC) ont cherché à les rationaliser en écrivant des dharma-ṡastras, aussi appelés smṛitis parce qu'ils sont ce qu'on se souvient (verbe smṛi) de l'enseignement des sages. Les plus fameux sont les Manu-smṛitis qui constituent la base du droit civil Indien. Ce sont des manuels pratiques de morale et de culte religieux à observer dans l'espoir d'accéder à une sphère d'existence supérieure dans sa vie future. Le propos en soi est tout à fait incompatible avec le degré supérieur du dharma tel que le conçoit une personne croyant dans le Brahman. D'ailleurs avoir un propos personnel (samkalpa), s'efforcer pour réussir (ārambha), s'impliquer dans le bon karma et éviter le mauvais karma, sont autant d'idées inconcevables pour celui qui vénère le Brahman ou le Purushottama (ceci est répété à l'envie dans la Gītā). Selon la conception brahmanique de l'ordre cosmique, le devoir particulier de chacun (sva-dharma – english duties) est logiquement de se conformer à sa propre nature (sva-bhava: les 3 guṇas de la théorie sāṁkhya), tout en faisant un effort pour purifier cette nature propre, nottament par la connaissance. On sait que cette notion qui au premier degré signifie "tenir sa place", sa couleur, son varna, a servi à justifier bien des injustices (adharma) en fin de compte. Notons au passage qu'il en a été de même dans les sociétés occidentales individualistes quand les personnes au status avantageux ont oublié qu'elles étaient les règles de conduite qui justifiait leur position dans l'échelle sociale. Pour en revenir à l'échelle (ou gradation) du dharma, les personnes qui ignorent l'individualisme et dont toute l'activité s'inscrit dans un état de conscience spirituel se placent au delà du dharma (cf. Gītā 18.66). "Les vertus éternelles sont: la vérité, le contrôle de soi, l'austérité, la pureté, le contentement, la tolérance, la simplicité, la connaissance, l'apaisement des passions et la générosité" (i.e. satyam, dama, tapas, śocam, santoṣa, kṣama, arjavam, jnānam, śama, dānam respectivement - Garuda Purāna Acara Khanda 221. 24). C'est à peu près la même liste qu'on peut lire dans tous les Purāna et la Gītā, à l'ordre près. Le plus souvent la priorité est donnée à la générosité ou à la vérité, mais la connaissance est la clé de l'émancipation (moksha) des contraintes de la nature et de ses illusions. S'il est une phrase dans la Gītā qui exprime merveilleusement bien ce qu'on entend par ordre cosmique et dharma c'est justement la profession de foi de ceux qui nient son existence (16.8): "Cet univers est sans fondement, sans vérité, sans Dieu, conçu sans queue ni tête, sans autre raison d'exister que la satisfaction des désirs, disent-ils". La difficulté qu'éprouvent les esprits modernes à traduire le mot dharma tient donc en grande partie à la portée du concept, son manque de spécificité, tout en étant irréductiblement associé à cet autre concept, le Brahman. J'ai dit dans l'introduction de ce lexique que le dharma est le propre de l'homme, son intérêt irrationnel pour le beau, le bon et le vrai, On peut aussi dire que le dharma est l'expression concrète de sa spiritualité, en partant du stade élémentaire de la non-violence et en allant jusqu'à l'abstraction complète de toute forme d'intérêt personnel (de celui qu'il est convenu d'appeler la créature du Brahman). Ce ne sont certes pas Sophocle, Platon ou Aristote, et encore moins Darwin, avec leur conception individualiste de l'existence qui nous aideront à comprendre cela.
- dhī, dhyāna: dhyāna est la méditation, qui ne doit en aucun cas être confondue avec la réflexion au sens usuel de raisonnement (mīmānsā) car elle implique de fermer les portes de son esprit à tout autre sujet que soi-même. C'est plutôt une contemplation, comme je l'expliquerai plus loin. D'ailleurs dans l'esprit des Upanishads la Vérité ne se déduit pas par raisonnement, elle ne se démontre pas, et c'est pour cela qu'il est vain d'essayer de convertir quelqu'un à la conception qu'on en a. Le prosélytisme est une tendance facheuse propre à l'état d'esprit des religions de la Bible. La vérité se voit en soi (verbe iksh) et l'intelligence est lumière: le Soleil Aditya auquel le croyant rend hommage à l'aube, à midi et au crépuscule est un symbole, celui de l'intelligence. Le mot dhyāna trouve pourtant son origine dans la racine verbale dhī (penser, réfléchir) ou le substantif dhī désignant la pensée imprégnée de réflexion, de compréhension et de sagesse. Par extension dhī signifie la compréhension elle-même, l'intelligence des choses, tandis que buddhi est l'exercice de cette intelligence dans la perception de l'univers extérieur; c'est pour celà que buddhi est aussi synonyme d'éveil car on perçoit le monde extérieur quand on est éveillé (jāgara). Mentionnons au passage deux autres mots dérivés de dhī: svādhī (su-ā-dhī) est le bonne pensée et svādhyāya est l'étude des Vedas, qui consiste pratiquement en leur récitation. Quant à stitha-dhī, copieusement utilisé par Krishna dans la section 2 de la Gītā, il s'agit d'une intelligence fermement ancrée dans le Sat ou le Tat (sattvika) par le biais du yoga. Donc dhyāna est l'introspection avec concentration sur le vrai soi, sans questionnement, dissection ou autre analyse psychologique. On dit qu'il convient de respirer profondément précisément parce que celà maintient le mental occupé à se souvenir de la vie en soi, sans quoi il est toujours prêt à partir en exploration. Le soi n'est en effet par un sujet d'enquête policière ou d'étude scientifique, mais bel et bien de contemplation et, pour le yogī appliqué ou chanceux, de ravissement. L'étourdi, celui qui manque de "profondeur spirituelle" (puṁsa) se laissera aller plutôt à contempler les objets des sens et des sentiments (dhyāyataḥ viṣayān puṁsaḥ ... –Gītā 2.62); mais là encore qui oserait prétendre qu'il réfléchit? Le but ultime de cette méditation est l'état de samādhi, qu'il faut faire attention de ne pas faire dériver de dhī: sama-adhi est l'état de transcendance: littéralement sur le même niveau que ce qui est supérieur. C'est donc un état d'existence pure (sat), de conscience (cit) et d'extase (ananda) puisque c'est ainsi qu'est conçu le divin (Brahmā samhita vers 1).
- dva: dvaṁdva est le couple (mâle femelle par exemple) et suggère la complémentarité; dvaidha est ce qui est situé dans deux choses, la division; dvipa est une île et dvis est l'hostilité. Dualité est un terme trompeur puisque selon les cas elle divise ou unit.
- Dvaitavana: lac et forêt où les Pāndavas passèrent la majeure partie de leur exil.
- dvāpara: l’âge numéro deux.
- Dvāraka: la ville "aux nombreuses portes", construite par Krishna sur la côte du Gujarāt et qui fut engloutie par les eaux après sa mort.
- dvija: deux fois né, se dit principalement du brahmin après la cérémonie d’initiation.
- ekādaṡi: voir l'entrée vṛi + vrata.
- esā, esāNa, nāraca, shakti: mots les plus souvent utilisés pour désigner une flèche. Les trois premiers noms désignent des flèches en fer. Le fer se dit adrisāra ou āyasa (ara est le métal).
- gadā: la massue ou masse d'arme, à distinguer du parigha, la barre de fer ou le gourdin clouté.
- gandharva: le parfumé, barde céleste résidant dans les nuages, souvent qualifié de voyageur des cieux comme son lieu de résidence, décrit comme semblable à un cheval dans le Garuda Purāna, ce qui expliquerait sa belle voie et son parfum.
- Ghandamādana: montagne célèbre située dans le district du Garhval en Uttarkhand, au pied de laquelle se trouve le temple de Bradrinath, haut lieu de pélerinage Hindu en raison du séjour des rishis Nara et Nārāyana en ces lieux et de la présence de nombreuses tirthas (faisant l'objet notamment d'une section dans le Narada Purāna Uttabhāga section 67). C'est sur cette montagne "au doux parfum" que Vibhishana envoya Hanumān chercher des herbes pour sauver la vie à Lakshman après que celui-ci eut reçu une flèche empoisonnée au cours de son combat avec Indrajit. Hanumān ne parvenant a trouver l'herbe en question parmi toutes les fleurs odorantes couvrant ce sommet (à près de 7000m) emporta tout le sommet de la montagne à Lanka. C'est en ces lieux encore que plus tard il rencontre son demi-frère Bhīma (Mahābhārata,Vana Parva, section 145).
- Gāndīva: l'arc d'Arjuna, don de Varuna par l'intermédiaire d'Agni, avant le sacrifice de la forêt de Khāndava.
- gītā, gana, gāyatra: autant de mots issus du verbe gai et signifiant chant, tandis que gāyatri est une forme de versification composée de 3x8 syllabes et le nom d'un des plus importants mantras (voir l'entrée Gāyatrī dans la liste des personnes).
- go: la vache mâle ou femelle, le bétail. On ne saurait dénombrer les textes qui font l'apologie de la vache et du don d'une vache à un brāhmana, notamment dans le Shanti Parva et l'Anushasana Parva. On dit que tous les dieux résident dans le corps de la vache et Celle qui personnifie l'abondance ne dédaigne pas résider dans sa bouse (Brahma-vaivarta Purāna, Krishna-janma-khanda 21.93).
- Govardhana: mot dérivé du verbe vṛidh (augmenter) et du nom de la vache, désignant ce lieu qui apporte le confort aux vaches, à savoir une colline près de Vṛindāvana où se déroula un épisode célèbre de la jeunesse de Krishna Gopāla. Il expliqua aux gopis qu'il importait plus de faire une offrande aux présences manifestes du divin sur terre, à savoir les vaches et les brāhmanas, qu'aux devas non manifestes, entre autres à Indra. Cela attira la colère d'Indra, auquel il donna une leçon d'humilité en protégeant les gopis sous un parapluie constitué par la colline de Govardhana.
- graha: du verbe grah signifiant saisir, exprime au sens propre la prise d'un objet (pouvant accessoirement être le manche d'un outil, la poignée d'un arc), ainsi la perception qu'on a d'une idée, le motif ou la mélodie d'une musique et la propriété, par extension la maison, la planète. La satyā-graha de Mohandas Kharamchand Gandhi était son insistance à s'en tenir à la vérité dans son comportement. Au sens de propriété graha mérite plus ample commentaire, en raison de l'importance philosophique du concept. Un gṛiha-stha est le propriétaire d'une maison, le chef d'une famille (maisonnée). A propos de la relation entre les sens et leurs objets, le Bṛihadarānyaka Upanishad (brahmana 3.2) enseigne que si les sens ont la fonction de percevoir (ils sont des percepteurs: graha), ce sont les objects qui en prennent possession (ils sont des prédateurs: grāha). Ne dit-on pas qu'un son, un parfum ou un spectacle a capturé notre attention? Ou qu'un désir s'est emparé de notre esprit? On retrouve la même conception de l'initiateur de l'interaction dans l'emploi du verbe vṛit dans la Gītā (2.59): les objets de sens (viṣayā), leur goût (rasa) engagent (vartante) les sens (indriyāni). Cette distinction est importante pour comprendre aussi la notion ambiguë de domination-tolérance (sah, sādh, soḍhum) des agitations intempestives (vega) de nos sens (Gītā 5.23). On ne peut empêcher qu'ils soient sollicités et contrôler ses sens ne signifie pas forcément les oblitérer volontairement comme les trois singes. Ne pas réagir aux sollicitations est une éducation qui rend cet effort inutile: "le goût disparait" dit le shloka 2.59 de la Gītā.
- grāma: probablement corrélé au précédent, le mot désigne un ensemble, un groupe, une collectivité et un village au sens originel (désignant les humains le constituant et non les toits). Le ṡāla-grāma est une pierre noire contenant un ammonite qu'on trouve principalement près du village du même nom dans le lit de la rivière Gandaki au Nepal. Le verbe ṡal signifie louer et ṡāl avoir de la valeur. Ce qui est intéressant est que la valeur accordée à cette pierre est due à la ressemblance du coquillage ammonite avec le cakra de Vishnu (Brahma-vaivarta Purāna, Prakriti Khanda chapitre 21) .
- guṇa: la qualité, le mode de la nature. Ces modes sont au nombre de trois, qui sont sattva, rajas et tamas et les adjectifs correspondants sont sāttvika, rājasa et tāmasa. Au sens propre le guṇa est une corde faite pour être saisie, telle celle d'un arc ou d'un instrument à vent. Par extension c'est un parfum mais le mot est très rarement employé dans le sens de goût (rasa). Concernant l'importance du nombre trois, voir l'entrée "nombres propices" à la fin du lexique. En effet le mot guṇa est associé étroitement au nombre trois qui est aussi celui: 1) des formes propres (sva-rupa) de l'Eternel lorsqu'il a manifesté l'univers qui sont Brahmā, Vishnu et Shiva; 2) des stades du devenir: début, milieu et fin; 3) des lettres de l'udgitha AUM; 4) des sphères essentielles de la Gayatri Bhur Bhuvar Svar; des rivière sacrées se rejoignant au samgam; des formes d'action, de péché et d'austérité nommément la pensée, la parole et le corps; des ennemis de l'esprit qui sont kāma, krodha et lobha; des états de conscience:éveil, rêve et sommeil profond. En fait la plupart des concepts qui relèvent de l'existence temporaire dans le monde réel. Trois est l'un des principaux nombres magiques, qui en fait sont tous des multiples de trois: 12, 18, 24. Dans le système "analytique " (= sankhya) de philosophie, qui est à la base de tous les courants philosophiques Indiens, le guṇa est un trait de caractère essentiel, une essence de base du parfum de chaque entité matérielle (animée ou inanimée). A priori une entitée inanimée est tāmasa (ignorante, inerte, sans lumière), une entitée proactive (encline à s'engager dans la matérialité - pravritti , active, énergique, entreprenante, passionnée, telle Brahmā dont le trait fondamental est de créer) est rājasa, une entitée spirituelle (existentielle, pure, vraie, bénéfique, divine) est sāttvika. Mais toute entitée matérielle a un parfum propre composé d'un savant mélange de ces 3 essences de base. Seul l'ātman est pur sattva, i.e. doté de l'existence vraie (sat-tva); à l'état incarné (jīva) il est "enrobé" de guṇas qui altèrent son comportement. Même l'intelligence, la foi, l'austérité, la charité, le devoir moral d'une personne sont imprégnés de son parfum personnel. Dans l'ensemble ces qualités évoquent ce qui est défini, identifiable, matériel et par conséquent inspirent un peu de mépris à celui qui s'estime spirituel. Pourtant le mot guṇa est loin d'être péjoratif, notamment dans tout contexte où il peut être traduit par mérite (comme dans les sections des Purānas comparant les mérites de diverses actions pieuses), et dans les mots dérivés guṇin, guṇya: celui ou ce qui est doté de bonne qualité. Le mot guṇa est donc un terme essentiel du vocabulaire saṁskṛit, faisant référence à un concept philosophique de base et devenant difficile à traduire dans certains contextes, comme par exemple en grammaire: ajouter du guṇa à une racine verbale dans une forme conjuguée signifie ouvrir un peu plus la bouche en prononçant la voyelle qui en constitue le coeur, le a devenant ā, le i devant é, le u devenant o, le ṛi devenant ar (par exemple le verbe bhū devient bhava ou le verbe kṛi devient kar). A quoi cela correspont-il sinon à habiller la voyelle comme l'ātman s'habille d'un corps doté de guṇa, perdant ainsi de sa pureté à l'état incarné. Comme quoi il est bon de toujours revenir à l'essence spirituelle des choses dont on parle en saṁskṛit pour bien comprendre de quoi il s'agit.
Dans le Chāndogia Upanishad on apprend qu'aux trois guṇas correspondent bhur bhuvar et svar, les trois feux et les trois Vedas. Rg est pour le sacrifice, Yajur pour l'action et les ancètres qui s'y sont consacrés, Sāma est pour la connaissance. Leur correspondent aussi parmi les devas Agni, Vāyu et Sūrya car la terre est un lieu de sacrifice, l'air est le lieu où s'agitent les vents et le soleil est la source de connaissance. Enfin pour l'anecdote, le Ṡvetāṡvatara Upanishad (4.5) associe à chacun des guṇas une couleur: le rouge pour le rajas (voir entrée rāja), le blanc pour le sattva parce qu'il est pureté et le noir pour le tamas parcequ'il est obscurité.
- guru: le maître, l'autorité morale. Etonnamment le mot a la même origine que graha ci-dessus. Dans la liste des pseudonymes de Pārvatī figure Girija, Celle qui est née de la montagne. Un guru est une montagne (giri) au sens figuré, énorme et insaisissable, inspirant considération et respect, au pied de laquelle on vient s'asseoir (upa-ni-sat) pour recevoir un enseignement. Selon ces mêmes Upanishads il est essentiel d'aller trouver un guru et de lui demander la faveur de son enseignement; il convient néanmoins de se souvenir au kali-yuga où nous vivons que les gurus indignes de ce nom sont légion et que la connaissance se trouve aussi dans les livres.
- ghṛita: participe passé du verbe ghṛi (mouiller) ce mot désigne le sacro-saint beurre purifié, plus couramment appelé ghee, obtenu par décantation après avoir faire bouillir le lait. Comme presque tout ce qu'on peut trouver au Bhārata-varsha il a été élevé au rang de divinité (Rig Veda 4.58 qui l'assimile à l'amṛita).
- Hastināpura: la ville du nom d'un éléphant, capitale des Kurus. Son nom est devenu Merat en hindi et Meerut en anglais aux temps modernes.
- Hiranyagarbha: l'oeuf d'or. Le produit de la gestation de Nārāyana allongé entre deux eaux. Une image alternative au lotus sortant de son nombril, parfois combinée aussi comme dans le Kurma Purāna: "le lotus terre flottant sur les eaux est entouré d'une chaîne de montagne marquant le bord de la coquille". Le Vishnu Purāna quant à lui évoque (II.7.22-30) une infinité d'œufs univers flottant dans l'océan de la Nature indéterminée, comme autant de bulles de particularité (voir mahāt).
- homa: offrande aux dieux sous la forme de beurre clarifié dans le feu, que le brahmin devait effectuer au lever et au coucher du soleil, et par extension tout sacrifice impliquant systématiquement des offrandes dans un feu.
- hṛi: cette racine verbale qui signifie aussi bien apporter qu'emporter ailleurs, à l 'exclusion de supporter (dhṛi), est interessante parce qu'elle donne Hari, Hara (Celui qui emporte) mais aussi je pense hṛiṣ et hṛid. Car qu'est-ce donc qui emporte le cœur (hṛid) sinon les passions qui l'excitent ou le réjouissent (hṛiṣ)? Hṛidaya lorsque du genre masculin est l'hôte du cœur et lorsque du genre neutre le cœur en tant que siège, résidence. Le verbe hṛiṣ convoit une idée qui n'est pas sans rapport avec iṣ (désirer) et īṡ (dominer, posséder) et Hṛishikesha (Hṛishika-īṡa) est le Seigneur qui réjouit les sens, i.e. ceux qui sont réjouits (hṛishta). Le verbe hṛi lui aussi n'est pas sans rapport avec ṛi (bouger et surtout aller vers quelque chose, et par extension atteindre). Considérations qui ont pour but de rappeler qu'au-delà d'une syllabe un verbe a un sens complexe.
- Indraprastha: la ville du nom d'Indra, un quartier de Delhi aux temps modernes.
- jagat: ce qui bouge (dérivé du verbe gam = aller, marcher), ce qui est mobile, l'Univers et notamment ce qui dans cet Univers effectue des actions, autrement dit les créatures: voir shloka 7.5 dans Gītā, par opposition à ses composantes purement physiques énumérées dans le shloka 7.4. Les créatures (bhuta) sont classées en cara (actives) ou acara (inactives). Jagan-nātha est un surnom de Nārāyana le désignant comme le Seigneur de l'Univers. C'est sous ce nom qu'il est vénéré en Oḍissa (Orissa, état de l'est de l'Inde, antérieurement royaume de Kalinga), ainsi qu'en Indonésie. Ce nom assez neutre est un subterfuge utilisé par les Indonésiens Hindus pour vénérer le dieu de leur choix (en fait plutôt Shiva, voire Bali ainsi que les Pitris) tout en respectant la constitution qui interdit le polythéisme.
- jīva: issu du verbe jīv (vivre), ce mot désigne la personne vivante, l'ātmā incarné, l'hôte d'un corps (dehi), en conséquence affecté d'une personnalité (samskāra).
- jñāna: la connaissance, dans un sens beaucoup plus large que ce qui a été acquis par l'étude et la raison et stoqué en mémoire, dite connaissance phénoménale (celle de Kant). Elle trouve son extension au niveau transcendantal en vijñāna, veda et vidyā: voir à ce sujet en particulier dans le Mahābhārata, Shānti Parva CCXXXVII. Mais elle inclut aussi tous les autres degrés depuis la conscience d'ensemble (sam-jñāna), ce qu'on appelle subconscient, la perception sensorielle (ā-jñāna, saṁsparṡa, pra-jñāna), la discrimination (autre sens du mot vi-jñāna), et finalement cette intelligence qui permet d'y accéder et de la perfectionner (qu'on appelle donc aussi pra-jñāna puisque c'est une faculté de perception du savoir). Concernant cette dernière, en quoi elle consiste, ses différentes formes et les différences de connaissance qui en résultent, voir l'entrée buddhi. Concernant la distinction qu'il convient de faire entre les verbes jñā et vid, le premier exprime principalement l'idée d'être informé, d'avoir présent à l'esprit tandis que le second exprime celle de savoir ce qui est vraiment: "nāsato vidyate bhāvo" (Gītā 2.16). Jñāna est affecté par les modes de la nature (Gītā 18.20-18.22) tandis que veda est sanctifié par sa source: parole divine ou des grands sages. Le verbe vid présente deux modes de conjugaison actifs ( comme un verbe de classe 2 –vetti au présent 3ème personne du singulier – ou comme un verbe de classe 6: vindati), le second étant employé plus spécifiquement dans le sens de trouver. Il faut y voir une indication que vid implique une notion de réussite dans le savoir. Par ailleurs il est clair que la syllabe vi qui est utilisée comme préfixe avec de nombreuse racine verbales pour exprimer la dispersion, l'élargissement d'une action (comme dans vi-jñā), est bel et bien présente dans vid (même si il s'agit de la racine du verbe et non d'un préfixe) et confère subconsciemment à ce verbe une nuance d'universalité. Enfin le mode passif (vidyate au présent 3ème personne du singulier) se traduit simplement par "il y a", i.e. ceci est connu comme existant. Le mot vidyā est souvent utilisé pour désigner les branches scientifiques des Vedas telles que grammaire, logique, médecine, art du combat… et j'aimerais utiliser pour le traduire un mot qu'on a beaucoup galvaudé récemment: la culture, la connaissance éclairée. On peut ajouter au sujet de vi-jñā que la distinction par rapport au verbe jñā est la même qu'entre l'apprentissage scolaire, par cœur, de connaissances et leur assimilation, leur "digestion". C'est l'intelligence au sens de com-préhension, comme pra-jñā est l'intelligence au sens d'aptitude à la préhension.
- Kailāsa: mont Kailas (souvent orthographié Kailash par erreur) situé à la frontière tibétaine, où Ṡiva aime méditer. Le mot dérive du verbe kel et du substantif keli, signifiant le jeu, le loisir, le "sport amoureux" ou de kilas ayant le même sens. Mais les anciens se sont probablement délectés d'une ambiguité avec le verbe kil qui signifier blanchir, geler. Quant au mot kelāsa d'origine incertaine qui signifie crystal il évoque bien la forme anguleuse semblable a une pierre taillée du mont Kailās. La montagne est relativement peu élevée (6600 m) par rapport à l'Annapurna et autres pics voisins dépassant les 8000 m.
- kāla: Littéralement kāla est ce qui motive, incite à (verbe kal), à quoi donc sinon à agir. Il est clair qu'il s'agit du temps qui nous est compté, ce pourquoi respectivement le verbe kal est aussi utilisé dans le sens de compter. Le Temps, Celui qui préside à ce concept, est le Perturbateur de l'équilibre cosmique à l'instant de la création (Bhāg. Pur. 3.26.16, 3.30.37, 11.24.19) et le Grand Destructeur des mondes à l'instant de la dissolution (Gītā 11.32). Il incite à agir en différenciant l'acteur, l'action et son objet, Il initie et emporte tout. Au sens commun le mot kāla est devenu hier et demain en hindi et kalā est une des divisions du temps, un digit valant 1/900ème du jour soit 1,6 mn. Par extension, kāla est la mort, l'obscurité et la nuit, la couleur noire. Enfin pour vous dissuader d'apprendre le sanskrit ou l'hindi, le mot kalā désigne aussi l'art. La description du temps dans les Upanishads et Purānas est à la fois très détaillée et ne permet cependant pas de conclure s'il existe dans l'absolu ou n'est qu'une quantité relative pour chaque espèce vivante. Lorsqu'il est qualifié d'indestructible (akshaya), ne faut-il pas comprendre qu'il est inéluctable, que c'est lui qui détruit tout ("kālo'smi loka-kshaya-krit" –Gītā 11.32) ? Même la vie de Brahmā a un terme tandis que l'ātmā est éternel. La plus petite unité de temps est la parama-anu (Bhāgavata Purāna 3.11) et il en faut environ 1000 pour faire un nimiṣa (un clin d'œil), lequel dure environ 2 secondes de temps à nos horloges puisqu'il faut 1000 nimiṣas pour faire un muhūrta (environ 48 mn), trois muhūrtas pour faire un yāma (une période de veille) et 8 yāma pour remplir une journée humaine. Quinze de ces journées sont le temps que dure une pakṣa lunaire. Une journée et une nuit d'un pitā (pitṛi) durent une paksha claire (shukla) et une paksha sombre (krishna). Il y a six saisons (ṛitu) dans une année et deux ayanas: un uttara –ayana et un dakshina –ayana de l'astre solaire vers le nord et vers le sud respectivement. Une année est appelée vatsara parce que c'est approximativement l'intervalle de temps nécéssaire entre chaque nouveau-né (humain ou bovin). Une journée divine dure un an humain et une journée d'un Manu environ 1 million d'années divines. En effet quatorze Manus naissent au cours d'une journée de Brahmā (un kalpa) et cette dernière dure 1000 catur-yugas (voir entrée yuga), chacun desquels dure 12000 années divines, soit 4.320.000 années humaines. La durée d'un kalpa est donc de 4 milliards de nos années. Chacun vit cent ans mais tout est relatif. Une demi durée de vie est appelée parārdha et c'est le temps qu'a déjà vécu ce Brahmā qui nous a créé. Cela résume la description du temps dans les Purānas. Quant à ce qu'il est vraiment il faut en chercher l'explication dans l'exposé sāṃkhya de l'existence temporelle (cf. citations du Bhāgavata Purāna ci-dessus). "La forme de la Personne Suprême qui crée la différenciation dans l'apparence des choses est appelée le temps. Jīva dès lors qu'il se considére différent du Parama-ātmā imprégnant tout et commence à s'identifier à son apparence matérielle, prend peur de la mort". C'est au travers de cette peur qu'il prend conscience du temps et c'est pour cela que le mot kāla est synonyme de mort. Les théories scientifiques modernes ne rejoignent-elles pas indirectement cette définition en nous parlant de sa relativité à l'espace et à la matière auxquels il est intrinsèquement lié?
- kali: l’âge numéro 1, le perdant (comme au jeu de dés), le plus court, l’âge noir ou l’âge de fer. On considère que le mot dérive de kal dans le sens de compter, mais il se conçoit aussi très bien qu'il dérive de motiver, causer l'urgence. Kali est l'âge où la personne vivante (jīva) ne fait que suivre ses motivations matérielles, où elle ne croit qu'en ce qu'elle a acquis par raisonnement.
- kalpa: une journée de Brahmā durant 4300 000 000 années des humains. Le mot ne dérive pas du verbe kal mais d'une autre racine peu utilisée (klṛip) et au sens propre l'adjectif kalpa signifie capable, possible; en tant que nom commun c'est avant tout une alternative, un projet ou une résolution. Saṃkalpa est un vœu, une bonne résolution qui doit être prise le matin après la toilette et avant même de pratiquer le rituel du saṃdhyā (les 3 jonctions des parties du jour).
- kāma: icchā, kāma et rāga sont trois degrés du désir. Au sens strict, icchā désigne ce qui n'est pas déplaisant (dvesa), comme le chocolat, kāma un désir fort comme le désir sexuel et rāga la passion dévorante. Les chansons d'amour passionnées sont des rāgas. Le mot kāma provient de la racine verbale kam signifiant désirer mais aussi dans certains cas tout simplement jouir du plaisir sexuel. L'interjection kam! quant à elle signifie "bien! bon!" et la syllabe ka est l'expression de base (bijam) pour ce qui est très bon: ka est la lumière, le soleil, Dieu, ka est la joie, le plaisir. Dans l'esprit des Upanishads ce n'est sans doute pas trop s'avancer que de rattacher aussi à cette syllabe le mot arka - celui qui brille, le soleil, le feu, le rai de lumière, le verbe arc pour faire briller, louer, honorer. Dans le deuxième brāhmana du premier chapitre du Bṛihadaranyaka Upanishad, la "Faim" (symbolique, celle de satisfaire le désir de s'exprimer de la Personne du Brahman) dit qu'en faisant briller (arcan – ou en louant - lui-même parcequ'il est seul) il produit de l'eau et y trouve du plaisir (ka). Vraiment conclut-il il y a de la joie dans ce qui brille. Il faut y voir une image de la lumière de la connaissance, qui est le seul vrai plaisir (la conclusion aussi bien de Sanatkumara que de Brāhma dans le Chāndogya Upanishad – sections 7 et 8).
- kamala: parmi les nombreux noms du lotus (voir aussi padma ci-dessous) c'est celui désignant plus spécifiquement le lotus rose, i.e rouge pâle, symbolisant ce qui est désirable parce que c'est beau et par extension Brahmā celui qui est assis sur le lotus. Pour vanter la beauté de Krishna et exprimer qu'il a un regard pénétrant, on dit de lui qu'il est kamalāksha: aux yeux de lotus. On lit souvent aussi dans les textes que de beaux yeux sont rouges.
- Kāmyaka: une forêt proche de celle de Dvaitavana, où les Pāndavas passèrent une partie de leur exil. Comme son nom l'indique c'était un lieu de séjour agréable. Yudhisthira le regretta bien souvent par la suite.
- karman (karma au nominatif): la causalité, du verbe kri (faire, exécuter une action). Au sens premier karma est l'effet de l'action, l'objet du verbe en grammaire. le kartri (nominatif kartā) est l'acteur, kriti celui qui est actif et kriti l'activité. Le mot karma est souvent employé au sens d'action dont on espère tirer un profit ou plaisir. Au contraire il désigne l'action "positive" conforme au devoir moral, comme le sacrifice yajna, quand il est opposé à vikarma, l'action qui s'écarte (vi) du devoir moral. L'effet d'une action peut être un résultat tangible ou une conséquence moins discernable à court terme tel que la modification de l'acteur. Le mot karma sous-entend alors le destin que l'auteur de l'action s'est forgé lui-même. Il n'est jamais employé au sens de hasard incontrôlable ou volonté divine. Cette destinée-là s'appelle daiva.
- karmabhūmi: la sphère du karma dans laquelle nous vivons.
- Kāshī: nom ancien de Vārānasī (sanskrit et hindi) ou Bénarès.
- Kaumodakī: la masse de Vishnu, dont le nom signifie "celle de Kumodaka, le dispensateur de plaisir".
- kavaca: le mot le plus courant pour une armure, dont celle de Karna. Mais kavaca est aussi tout ce qui couvre et protège tel qu'un vêtement, une peau de tambour, une syllabe magique résumant un mantra (considéré comme sa graine: bīja) et protégeant comme une amulette. L'usage de telles syllabes est sans doute apparu au temps du tantrisme, mais les Purānas leur accordent aussi une grande importance (comme en atteste par exemple le Brahma-vaivarta Purāna Ganapati-khanda 31). Les plus célèbres sont Hṛiṁ, Ṡṛiṁ, Kliṁ, pour invoquer Rādhā, Lakshmī ou Sarasvatā. Il est inutile de faire semblant d'ignorer la superstition des Indiens, que le Mahābhārata ne se prive pas de caricaturer (voir l'entrée en matière des sections racontant des batailles). Prononcer Hṛiṁ Ṡṛiṁ Kliṁ Rādhāyai Svāhā en faisant un sacrifice protège sans aucun doute aussi efficacement qu'une armure et prononcer un mantra en armant son arc pour tirer une flèche en fait tout aussi certainement une deva-astra. La boulimie de kavacas et mantras qui s'est emparée de la population peu cultivée au cours des temps modernes n'est sans aucun doute pas étrangère à celle des moulins à prières chez les Bouddhistes. Puis il semblerait que le kavaca soit devenu une amulette au sens actuel de talisman porté autour du cou ou du bras (voir par exemple Brahma-vaivarta Purāna Ganapati-khanda 38 vers 79-81 et autres). Aujourd'hui la tradition est restée vivace du rakhi (mot hindi dérivé de raksha) qu'on lace autour du poignet droit pour les hommes et gauche pour les femmes. Au cours de la fête du raksha bandham qui a lieu pour shravana purnima (la pleine lune de fin août) une femme se doit d'en nouer un autour du poignet de ses frères qui ont le devoir de la protéger tout au long de sa vie.
- kha: Au sens strict c'est la cavité, celle qui a été creusé et par extension ce lieu qui avec le temps furent les premiers créés, pour qu'y aient lieu tous les évènements du monde réel et qui n'ont aucune raison d'exister sans cela. Kha est l'élément dont la propriété sensorielle intrinsèque selon l'analyse logique (samkhya) est de permettre la propagation des sons, ce qui est faux pour la physique moderne: "Je suis le son dans l'espace (shabd khe)" dit Krishna dans le shloka 7.8 de la Gītā. La conque ṡaṃkha, ainsi nommée parce qu'elle présente une cavité dont on peut tirer un son puissant, est l'instrument musical emblématique de l'Hindouisme. Elle servait jadis à alerter la population et à rassembler les guerrier ou à les effrayer, mais depuis toujours elle sert aussi à attirer l'attention de Celui auquel on va offrir un culte (notamment à la junction du jour: saṃdhya). Dans le shloka 7.8 de la Gītā, "shabd khe" peut donc être aussi traduit par le son dans la cavité de la gorge, surtout que les mots qui précèdent sont "prāṇava sarva vedeshu" (la syllabe Aum dans tous les Vedas). Pour en revenir à la remarque initiale sur la priorité de créer l'espace qui a la propriété de propager les sons, dans le Brihadāranyaka la Faim, qui symbolise le désir d'activité du Tout Puissant, commence par dire "Je suis le sujet et il me faut un objet à me mettre sous la dent" et l'idée de manger ces mots qu'il vient de créer lui passe par la tête.
- Khāndava-prastha: lieu de résidence alloué par Dhritarāshtra aux frères Pāndavas dans la forêt de Khāndava. Ils y firent bâtir la ville d’Indraprastha.
- kinnara et kimpurusha: littéralement les deux mots signifient "est-ce un homme?" Nom d'une tribu de montagnards d'après le Mahabharata. Mais selon l'histoire racontée dans le Matsya Purana ch 12, un kinnara est un androgyne, dont Ilā le fils de Vaivasvata Manu qui changeait de sexe est le prototype. Le Bhāgavata Purāna (3.20.45) dit que Brahmā, qui comme chacun sait est sans honte, se para de fleurs et de bijoux puis s'admira dans une glace. Ce corps Narcissique il le donna aux kin-naras.
- Kishkindhā: la ville des singes dans le Rāmāyana.
- kokila: koïl ou koël, oiseau noir au chant mélodieux.
- Kosala: royaume de Rāma.
- kripā: la pitié, la tendresse, la compassion. C'est donc une passion et en toute rigueur on ne devrait pas utiliser le mot compassion pour traduire ānrishamsa: la gentillesse, la bienveillance. Anrishamsa est une vertu. Comme bien souvent en sanskrit le mot ānrishamsa exprimant la vertu est masculin et le mot kripā exprimant la passion est féminin.
- krita: l’âge numéro quatre, le gagnant ou âge d’or, le bon, l’accompli (sens propre du mot) , l’âge de vérité.
- krodha: la colère, qui parce que c'est une passion, est masculin en sanskrit, comme kāma et rāga mais pas icchā.
- kshama: la patience, l'indulgence, la tolérance, le pardon.
- kshara et kshetra: kshara est ce qui est périssable et par extension le corps. Kshetra est la propriété terrienne, le champ. Pour l'âme incarnée (jīva) le champ d'investigation est le corps et ses sensations; en conséquence elle est appelée kshetra-jña. Dans le Sarvasāra Upanishad le kshetra-jña est défini comme celui qui est éclairé par la conscience (caitanya).
- kshatra: le pouvoir, la domination, le gouvernement. En fait les trois mots kṣara, kṣetra et kṣatra ont pour origine la même racine verba kṣi. Selon le mode de conjugaison (1er ou 2ème groupe) il veut dire posséder, gouverner (kshayati) ou bien résider (kshiyati). Un kshatriya est donc une personne qui détient le pouvoir et gouverne la terre. Mais ce n'est pas simplement un proprétaire terrien car un vaiṡya possède aussi une propriété qui peut être une terre agricole ou un commerce. Un kshatriya a les qualités requises pour règner sur les hommes.
- Kurukshetra: le champ des Kurus sur lequel le roi Kuru fit un grand sacrifice, où Rāma Parishama (Parashurāma) extermina les kshatriyas une première fois et où eurent lieu bien d'autres événements majeurs dans l'histoire des Bhāratas avant de devenir le champ de bataille des Kauravas et Pāndavas. C'est une ville aujourd'hui dans l'Etat d'Hariyānā.
- kundala: la boucle d’oreille.
- kusha: herbe des prairies coupante et incitant au discernement, donc propice pour s’en faire un tapis de méditation ou une litière.
- Lankā: nom de l’île des rākshasas et de sa capitale. Ceylan est le nom français de l'île. Les Cinghalais (nom issu de sinha, le lion), originaires de l'Assam, émigrèrent quelques siècles plus tard et ne se sentent pas concernés.
- mahāratha: un guerrier de haut rang monté sur un char.
- mahāt (ou mahān): l'intelligence cosmique. Dans le Vishnu Purāna (1-2.33) elle est définie comme l'inégale distribution des gunas (gunāsamyat) dans Prakriti, i.e. l'ordre cosmique inspiré par Bhagavān en elle.
- mahātma (ou mahātman): grande âme, i.e. celui dont l'ātma s'affirme suffisamment pour contrôler l'ahamkāra.
- Mainaka: la montagne entre Inde et Lanka où s'arrêta Hanumān. Elle avait conservé ses ailes et se cachait d'Indra.
- makara: animal mythique dont la forme s'inspire principalement du crocodile des estuaires, avec une trompe d'éléphant. Il ornait souvent les pendants d'oreilles.
- Malaya: la montagne surplombant la ville de Kishkindhā, où médita Rāma.
- mala: la souillure, la poussière, l'impureté, en particulier celle qui s'attache à l'ātman jusqu'à purification au travers du karma. Je mentionne ce mot dans un propos sémantique, parce qu'il a de toute évidence donné malus en Latin et parce qu'en sanskrit le mal est un effet de l'ignorance. L'ātman est intrinsèquement pur et ses erreurs sont dues au mode tamasa (obscurci) de l'intelligence du corps qu'il habite.
- manas: le sixième sens, celui qui gère les cinq autres, centre de la raison mais aussi des désirs et des décisions Le sens, le mental et l'intelligence sont les trois instruments du désir (Gītā). A noter que comme dans d'autres cultures le siège du mental n'était pas supposé être la boîte cranienne dans les écrits Védiques. Dans l'Aitareya Upanishad par exemple (2.4), lorsque l'Ātmā crée la personne physique dotée de sens, chacune des divinités des fonctions vitales (i.e. leurs essences comme la respiration, la parole, la vue, l'ouïe, le goût, le toucher, la pensée) entre dans un orifice du corps : "le Dieu Lunaire Candra devenant le mental entra dans la cavité du cœur". La question que je me pose est à quoi pouvait donc bien servir cette substance grisâtre dans la boîte cranienne selon eux? Lorsque l'Ātma de l'Aiterya eut fini de créer les fonctions vitales elles eurent besoin de nourriture et l'Ātma se demanda un instant par où faire entrer les divinités de la faim et de la soif, puis Il leur dit "partagez chacune des entrées des sens". C'est pour cela que les sens (manas compris) sont toujours affamés de sensations.
- Mānasa sarovara: le lac Mānasa, situé au Tibet, à faible distance au sud du mont Kailāsa, près des frontières avec le Népal et l'Uttarkhand. C'est le lac des pensées, celui au bord duquel Nārāyana et Nara, Krishna, Indra et autres firent des sacrifices. La rivière Sindhu (Indus), son affluent la Sutlej, le Brahmaputra et la Karnali, affluent du Gange, prennent leur source à proximité.
- Mandara: la montagne qui servit de baratte aux dieux et asuras pour confectionner l'amrita.
- maṇḍala: avant de devenir le cercle magique qu'on couvre d'incantations et de symboles, le maṇḍala était aux temps védiques le cercle, l'orbe, l'aura, auréole autour du soleil , de la lune ou de la tête des divinités et les ornant (le verbe maṇḍ signifie orner). Ce sont les buddhistes puis les tantristes qui en firent un objet de rituel représentant une maison avec des chambres, un corridor d'accès appelé vīthī et des portes aux points cardinaux. Il a la forme du disque terrestre dans les purānas et on lui superpose souvent un lotus dans les textes (voir en particulier les sections 310-340 de l'Agni Purāna, spécialisées dans les rituels occultes, vaudous et autre sortilèges). La maison est celle d'une divinité dont on recherche l'appui, les chambres sont les manifestations partielles de celle-ci et dans chacune on trace un bīja (onomatopée pour un mantra). L'hindouisme étant par essence syncrétique, la tradition est restée de tracer des maṇḍalas pour les sacrifices dans les villages.
- māyā: le pouvoir divin de création, son art de l'illusion (voir yoga-māyā), et par extension le pouvoir d'illusion des devas et asuras. Le mot māyā dérive du verbe mā signifiant transformer, causer une modification. Pour dire qu'un objet est "fait de" par transformation d'une matière brute on utilise le suffixe maya apposé à celui de la matiére en question. Comme toujours en sanskrit le mot "voyellisé" māyā exprime un concept plus complexe et plus personnel que maya. Bhagavan est pure conscience et son oeuvre de création consiste à transformer ses idées en réalités. Dans la mythologie Maya est ce génie qui construit des chateaux de rêve pour les dieux et les démons. Pour reprendre un jeu de mots de S. Radhakrishna (Brahma sutra – dans l'introduction sur l'advaita): māyā est ce qui transforme le sat en asat et vice versa.
- Mithilā: ville du roi Janaka au sud du Népal actuel.
- mlech ou mlecchas: les barbares anāryas.
- mukti et moksha: Le verbe moksh (vouloir se libérer, se détacher, rejeter) est la forme grammaticale désidérative du verbe muc, signifiant libérer. La différence entre mukti et moksha est donc que la première est un fait tandis que la deuxième est un désir. Moksha est la quatrième des aspirations humaines avec artha, kāma et dharma. Elle est la délivrance des renaissances (samsāra). Celui qui est libéré atteint le Brahma-nirvāna (de nis-vā: souffle écarté, parti), qui n'est pas l'anéantissement mais un état de béatitude (ananda) du Brahma-bhuta- cf Gītā section 5 shlokas 24-26. Un point très important à souligner est que la liberté individuelle si chère aux occidentaux (et reconnue dans la constitution indienne) est en soi une fausse valeur pour un Hindu. La liberté est l'absence de lien ou attache (bandham dérivé du verbe bandh ou saṅga dérivé du verbe saṅj) qui ne s'obtient qu'en abandonnant les deux trais caractéristiques de l'individualisme: l'appropriation de ses actes et de leurs fruits, la distinction entre ce qui est plaisant et déplaisant (dualisme). Comme dit si bien Tagore (je pense dans son texte "la religion de l'homme"): en abandonnant toute vélléité de posséder et en se donnant soi-même au Tout, on ne perd rien puisqu'on devient ce Tout. Au risque de choquer certains, la servitude et l'esclavage sont deux choses distinctes. La première peut être volontaire et est dans ce cas qualifiée de yoga ou de bhakti en sanskrit, tandis que le second est une chaîne imposée (saṅga). Ce sont les abus de pouvoir commis dans le passé historique de la société humaine, et notamment le traitement de peuples entiers comme du bétail, qui nous ont amené à chérir la liberté individuelle comme un droit essentiel. Mais nous devrions nous rappeler plus souvent que nous appartenons à une communauté et que nous avons des devoirs envers elle. Pour en revenir au paradoxe énoncé par Tagore, il est peut être plus aisé à comprendre pour un physicien qui dans ses modélisations du monde attache des poids ou des forces à des points de l'espace: au premier dégré ce qui n'est pas attaché à un point précis est "délocalisé". Une créature du Brahman (Brhama bhuta) embrasse tout l'univers manifeste et aussi le non manifeste. De nombreux Hindus, en partie influencés par les croyances occidentales et surtout par leur ego, espèrent néanmoins que leur délivrance leur permettra de jouir de la béatitude à titre personnel. Le Muṇḍaka Upanishad (3.2.8) est très clair à ce sujet: Comme les rivières déversant leurs flots dans l'océan y disparaissent en abandonnant nom et forme, de même celui qui sait, libéré de son nom et de sa forme, atteint la divine Personne qui est suprême à tous les sommets.
- mudrā: le signe, le geste, à distinguer du symbole (lingam), qui lui par contre est proche la marque distinctive (lakshmi) car un symbole est aussi un signe de reconnaissance. En fait les mudrās exécutés principalement avec les mains, accessoirement la tête et par la position assise (āsana) sont des pratiques d'hatha-yoga et des symboles magiques symbolisant une activité de Ṡakti dans le culte tantrique, une activité du Buddha dans le culte buddhique. On en parle donc peu, dans le sens général de geste, dans les textes védiques. Nombre d'entre eux sont des gestes instinctifs tel que: l'abhaya mudrā (posture sans peur) qui consiste à imposer une paume ouverte avec les doigts pointant vers le haut, de la main maîtresse (droite généralement), pour inciter à l'apaisement et manifester son autorité; le dhyāna mudrā (posture de méditation) exprimant la détente en superposant ses mains ouvertes à l'horizontale (une variante des mains croisées sur le ventre de celui qui se sent sûr de lui); le cin mudrā (posture de recherche) consistant à joindre les extrémités du pouce et de l'indexe dans un signe d'union (le yoga) et à laisser détendus les trois autres doigts symbolisant les gunas.
- mūrti: la forme, qui sert de prétexte dans ce lexique de mots choisis pour donner la liste des objets symboliques que porte la forme de Vishnu dans son iconographie. Ce ne sont pas des symboles de Vishnu en tant que tel, comme le lingam de Shiva. Ce ne sont pas non plus des objets de culte (mandala). Ils précisent simplement dans quelles activités Vishnu est engagée dans l'icone présentée au dévot. Les principaux sont: Pāṅcajanya, la conque (ṡaṃkha) qui appelle les cinq (paṅca) catégories de créatures; Sudarṡana, le disque (cakra) qui est un beau spectacle (lequel sinon le soleil?); Kaumodakī, la masse (gada) qui donne du plaisir; Vidhādhara, l’épée qui divise ou distribue des portions; Ṡatakandra ou Jaivardhana, le bouclier; shārnga, l’arc; Ṡrī-vatsa, la marque sans fin sur sa poitrine où réside Ṡrī Lakshmī; Kaustubha, le rubis ; le lotus (padma, kamala...). Quant à l'attribut de Krishna sous sa forme humaine avec seulement deux bras, à savoir la flute (muralī), elle n'est probablement le symbole que de son aspect ludique (rasa) et du gardien de troupeau (gopāla).
- mṛityu: la mort dont le nom dérive du verbe mṛi, qui est naturellement ātmanepada puisqu'il exprime le fait de mourir tandis que mṛic qui est parasmaipada exprime celui de blesser. C'est dans l'un ou l'autre que les noms de Marīci, Maruts et Markandeya trouvent leur origine, sans oublier l'amrita, l'élixir d'immortalité.
- nadī: une rivière. Celles mentionnées dans les Vedas (par exemple dans l'hymne du Rig Veda 10.75) sont principalement Ganga, Yamuna, Sarayu, Sarasvati, Sindhu (Indus) et les rivières du Penjab alimentant l'Indus, au nombre de sept dont 5 au Penjab Indien (d'où son nom de pays des 5 rivières). Coulent en Inde Shutudri (Sutlej), Parushri (Ravi), Ashikni (Chenab), Vitasta (Jhelum) , Marudhvridha (probablement la Beas) et au Pakistan l'Arjikiya (Haro) et la Sushoma (Sohan). La mention de 5 ou 7 rivières dans les Vedas peut aussi parfois référer aux Pléiades (Kṛitti), qui constituent une nakshatra et sont donc associées à Soma, par association d'idées au filtrage du précieux liquide du même nom. si souvent loué pour ses vertus extatiques dans ces textes.
- nāḍī: un nāḍa est un tuyau et une nāḍī est un organe tubulaire transportant les fluides corporels. Ne pas confondre nādī avec nadī, la rivière, qui elle doit son nom au rugissement qu'elle produit: à ce sujet voir Rig Veda livre 10 hymne 75 louant le rugissement de la rivière Sindhu tandis qu'elle court . Il existe des nāḍī transportant la chaleur, l'air, la nourriture, et bien entendu les signaux nerveux. Leur description et leur utilisation fait l'objet de la théorie du hatha-yoga et des yoga sutras de Patanjali. Ils sont aussi décrits dans plusieurs Upanishads. Le principal canal est la moelle épinière appelée suṣumna (su-sumna: très bénéfique, très bienveillant – que ceux qui en souffrent au Kaliyuga se le tiennent pour dit), décrit dans le Ṡandikya Upanishad (4.8) et dans le Jābāladarṡana (4.10) comme : "partant de l'arrère de l'anus et accédant à la boite cranienne par l'intermédiaire du baton creux de la colonne vertébrale, il imprègne tout". Il est aussi souvent question de l'idā (rafraichissant) et du piṅgalā (couleur fauve), situés de part et d'autre du suṣumna, qui assurent le contrôle du passage du souffle vital entre le cakra situé au niveau du nombril et les narines. Ce cakra ou kanda (bulbe radical) principal est appelé kuṇḍalini, mot qui désigne autrement un anneau, en particulier celui fait par une corde ou un bracelet (pour plus ample explication voir Yogacūḍāmaṇi Upanishad vers 36). C'est un nœud vital, qui est de huit natures selon le Jābāladarṡana Upanishad (4.11), incluant l'égo, la sagesse et la pensée et c'est là que convergent tous les fluides vitaux appelés vents. Sa position n'a rien d'étonnant puisque c'est de là que part le cordon reliant le lotus du monde à Nārāyana. Par contre certains pourraient s'étonner que ce soit là que l'idā apporte l'air depuis la narine gauche ou le pingalā depuis la narine droite (air que le yogin rejette par l'autre narine ensuite). Mais c'est là que brûle le feu intérieur appelé Vaishvanara, qui consomme la nourriture (Jābāladarshana Upanishad 5.7). L'Upanishad recommende de méditer sur ce feu entre inspiration et expiration. Les centres vitaux sont les "lieux de pélerinage intérieur" selon ce texte. Seul un spécialiste de sciences ésotériques pourrait vous dire si le kuṇḍalini cakra est différent du maṇipura cakra (le joyau – maṇi - situé derrière le nombril – nabha). Le texte védique le plus précis à ce sujet est le yogacūḍāmaṇi-upanishad qui dit que le premier a la forme d'un œuf et le second est triangulaire, l'un entre nombril et colonne vertébrale, l'autre juste derrière contre la colonne (vers 10, 14 et 36). En dépit de ces précisions on est tenté de les identifier tous deux au plexus solaire, qui lui est un peu plus haut dans l'abdomen.
- nāga: membre de l'élite de la tribu des serpents, le cobra ou naja. Les plus éminents des nāgas sont leur roi Vasuki et Shesha, appelé aussi Ananta.
- nama: mot qu'il suffit de répéter suivi du nom de Celui que l'on vénère, lorsqu'on manque d'éloquence: Om nama Shiva, Om nama Rāma, Om nama Krishna. Issu du verbe nam (courber ou se courber selon la conjugaison) cela signifie: "Je me prosterne à tes pieds en signe d'obéissance."
- nāma: le nom, mot qui mérite d'être mentionné bien qu'il paraisse évident, pour rappeler ce que signifie donner un nom à une chose. L'origine Probable du mot est en effet soit le verbe jña ou le verbe man. Nommer une chose consiste à dire qu'on la connait. Nombreux sont les passages dans les Upanishads ( par exemple Chandogya 7.1) et les Brahma sūtras où il est écrit qu'un chose consiste en son nom. Dans le Brihadaryanaka la "Faim" crée la Parole qui nomme les concepts et pense s'en rassasier.
- nanda: un des mots exprimant la joie, le plaisir, dont dérivent Nandi - l'heureux - un des nombreux noms de Vishnu; Nandaka - l'épée de Vishnu; Nandu et Nandinī - deux membres célèbres de la tribu des bovins. Ănanda est la béatitude: "īshvara parama kṛiṣṇa sat-cit-ānanda-vigraha" ainsi commence le Brahma saṃhitā, singifiant que le Seigneur Suprême est Krishna dont les signes distinctifs sont existence conscience et béatitude.
- naraka: un enfer qui semble-t-il d'après son nom est un lieu de résidence spécifique à l'homme. Il en existe une multitude décrits avec délectation dans les Purānas comme des pots (kuṇḍa) où les serviteurs de Yama vous font bouillir, rissoler, rôtir, piquer, dévorer, empaler, déchirer.... avec grande imagination. Mais il est probable que l'imagination de telles tortures est l'apport des Chrétiens, Parsis et Musulmans. Un exemple d'enfer logique et spécifiquement Hindu est le suivant: une femme qui regarde son époux avec colère et lui profère des insultes sera veuve pendant les sept vies qui suivent. (Brahma-vaivarta Prakriti Khanda chap. 31). Le Bhāgavata Purāna dit que l'enfer est sur terre et consiste dans le mode de vie qu'on a choisi (vers 3.30.5 et 3.30.29 entre autres).
- Naimiṣa: nom d'une forêt située dans le district de Sītāpur, sur les berges de la rivière Gomati, dans le sud-est de l'Uttar Pradesh. Le nom de cette forêt dérive de celui de Nimi, auquel fut accordé la grâce de résider éternellement sur la paupière des créatures, dans leur clignement d'œil (verbe ni-mish). On dit que Vishnu aurait détruit toute une armée de démon en un clin d'œil en cet endroit et que Brahmā l'aurait désigné lui-même aux sages pour s'y rassembler et y accomplir leurs austérités (tapas).
- nivedya: l'offrande de la nourriture au Puruṣotttama ou aux devas est un culte (du verbe vidh: adorer, rendre un culte) et toute nourriture doit être préparée en tant que telle et offerte avant d'être consommée. Ce sacrifice ou rituel d'adoration est prescrit par les écritures (vidhi). Le mot ni-vedya est donc une corruption de ni-vidhya (selon les écritures, en conformité avec elles, selon le rituel). Ce qui a été offert est naivedya.
- nivritti: l'aspiration à la délivrance de l'activité, une des deux voies de la religion, celle qui implique de renoncer à l'ego. Voir pravritti.
- nyāsa: procédé de méditation consistant à placer des noms de divinités sur des parties du corps identifié à celui du Virat (voir par exemple sections 26 et 36 du Gar. Pur. Ac. Kh.). Littéralement il s'agit de les faire sièger (racine verbale ās) en bas dans (ni) une part de l'univers du corps. L'instruction de porter son regard au bout de son nez, lors le la pratique du yoga, et à porter la pensée sur le cœur semble à priori "aller à l'opposé" en incitant à s'extraire du corps : on perçoit ce qui est externe à soi. Mais en fait les deux pratiques renvoient l'une çà l'autre: le corps est un univers dont le soleil est le yeux, l'espace est l'ouîe etc…
- Oṁkāra: le son ` qui est considéré à la fois comme une lettre (akshara) et comme une syllabe complexe composée de 3 ½ mesures musicales (mātrā): nommément A,U,M et l'anusvāra . qui compte pour ½ son. On peut retrouver dans le symbole graphique lui-même 3 boucles et un point (bindu). Selon plusieurs Upanishads (Chāndogya, Dhyānabindu, Amritanāda, Jābāladarṡana et en règle générale tous ceux parlant de yoga) A est pour Brahmā, U pour Vishnu, M pour Shiva et l'anusvāra qui les couvre pour la Personne du Brahman (Īśan, Īśvara, Purushottama, Krishna): une Personne et trois aṅṡa. Le nombre 3 ou 3 ½ est un symbole de grande portée dans les Upanishads et les Purānas (voirs entrées "Tripura" et "nombres propices" à la fin du lexique). Cherchant une correspondance entre l'Aumkara et les états de conscience, le Mānduka Upanishad dit (vers 12): le quatrième (turīya) ne correspond pas à une lettre mais à la syllabe entière - auṁkāra ātmaiva. Cette syllabe est aussi appelée praṇavaḥ parce qu'elle résonne (pra-ṇu), mais on ne manquera pas de faire le rapprochement avec praṇam (se prosterner en signe de respect et obéissance) et prāṇa (la respiration, le souffle de vie). Elle est aussi appelée udgītha parce que c'est un son qui monte (ut) du ventre vers la tête et que tout chant de louange (gītā, gītha, sāma) commence par le mantra Auṁ. On remarquera une inconsistance dans l'écriture, puisqu'on l'écrit Oṁkāra et il est aussi écrit "Oṁ-ity-aksharaṁ brahma" (Gītā 8.13, Dhyana-bindopanishad 9. ...) alors que le son est un au clair et prolongé. Mais pour en revenir à la portée spirituelle du mantra AUM, Kṛiṣṇa la définit parfaitement à la fin de la section 17 (17.23 et 17.24) de la Gītā: "avant d'entreprendre tout acte de sacrifice, de générosité, d'austérité, tout rituel, de réciter tout texte des Vedas, il est d'usage que les Brāhmanas prononcent le mantra AUM parce que AUM désigne le Brahman et que les Brāhmnas sont ceux qui parlent du Brahman (Brahma-vādin). C'est ce qu'on appelle en français "faire acte de foi".
- Pampā: nom d’un lac et d’une forêt dans le Rāmāyana.
- Pānchajanya: la conque de Vishnu.
- Pātāla: la cité des nāgas dans le monde souterrain.
- pattra: plume, feuille, pétale, toute chose volant au vent au bout d'une tige, feuille de papier. kamala pattra est le pétale de lotus auquel ressemblent les yeux de Krishna.
- pada et pāda: un pied en général et dans un vers une césure. Ce qui est intéressant est que par analogie avec les mamifères qui sont pour la plupart quadrupèdes, il y a généralement 4 padas dans un vers. Chacun de ces padas se compose de groupes de syllabes (2 ou 3) appelés gaṇas. C'est le rythme des ganas qui constitue le mêtre (chanda). Le mot pāda désigne plus spécifiquement le pied de l'animal.
- padma: un autre nom du lotus, ne faisant allusion à aucune couleur mais au fait qu'il repose (pad) ou sert à reposer comme un pied (pada). Le symbole du lotus est complexe. Non seulement il émerge de l'eau en restant sec et propre, comme l'ātman qui s'est purifiée de son individualité, mais aussi c'est un piédestal pour Brahmā. Lorsque Brahmā prend conscience juste après sa création, il regarde sous lui et voit le lotus puis cherche à savoir où en est la base. Il est l'esprit qui se pose la question: qui suis-je? apparemment je suis capable de penser mais sur quoi est-ce que je repose? La réponse est: sur un lotus.
- Pāṅcajanya, la conque (ṡaṃkha) qui appelle les cinq (paṅca) catégories ou tribus (jana) de créatures vivantes (jan= vivre). Certains on proposé que ces cinq catégories sont les quatres castes et les nishadas (ou mlecchas ou haridjan ou quelqu'autre nom qu'on puisse donner aux hors-castes), mais comme le fait justement remarquer Ambedkar cette interprétation est exclue puisque le Rig Veda rend hommage aux cinq tribus dans plusieurs hymnes, dont l'hymne 10.60 qui précise: les cinq tribus qui sont dans les cieux. D'autres ont donc proposé qu'il s'agit des devas, asuras, rakshasas, pitris et gandharvas. Mais pourquoi pas simplement les Adityas, Vasus, Rudras, Maruts et Sādhyas (ou Vishvedevas)? Le chapitre 3 du Chandogya Upanishad parle de cinq nectars consommés par cinq groupes de devas, qui sont précisément Adityas, Vasus, Rudras, Maruts et Sādhyas.
- paṇḍita: désigne un lettré, qui n'est pas forcément un philosophe (muni) ni un sage (ṛiṣi )
- para: cet adjectif, aussi utilisé comme préposition et comme nom, peut sembler anodin et ne pas mériter de faire l'objet d'une entrée dans ce lexique. Une note m'a cependant semblé intéressante en raison de son emploi extensif dans les textes Védiques au sens de transcendental et de la réflexion suivante dans le Kaṭha Upanishad (2.1.1): parānci khāni vyatṛiṇat svayambhūs tasmāt parān paṡyati nāntarātman – les sens ont leurs ouvertures tournées vers l'extérieur (parānci) et par conséquent ne voient qu'au loin (parā) pas à l'intérieur (antara) de soi (ātman). Au sens premier le mot para signifie ce qui est inaccessible, hors de contact, donc à priori loin dans l'espace ou dans le temps quand ce n'est pas en raison du manque d'aptitude. Paras-para signifie l'un l'autre. "Param padam gantum" ou "param gantum" dans la Gītā signifie atteindre l'état transcendental, ce qui est au delà de la condition matérielle. Parama en est le superlatif, comme par exemple dans Parama-ātmā, parama purusha divya, aksharam brahma paramam (Gītā shloka 8.3). En tant que préposition para ajoute une nuance d'éloignement au verbe, comme dans para-normal ou para-pharmacie: parā-gantum c'est aller au loin, mourir. Sur le plan linguistique il est assez curieux que ce qui est le plus difficile à atteindre soit précisément ce qui est à l'intérieur de soi et sur le plan philosophique la citation du Kaṭha Upanishad rappelle que la Vérité n'est pas palpable ou démontrable; elle se révèle à qui bon lui semble et est perçue comme self-évidente.
- Pināka: à l'origine un bâton ou un arc, le mot en est venu à désigner uniquement l'arc de Shiva et son trident (bâton à trois dents).
- pinda: offrande aux pitris sous la forme d'une balle de riz.
- pippala (pipal): l'arbre de la famille des ficus qualifié à juste titre de religiosa car on le trouve devant chaque temple et, où qu'il pousse par ailleurs, on trouvera à son pied une idole ou amulette. Son port est droit, ses branches dressées le ciel et ses feuilles en forme de cœurs.
- pishācha: un fils de Krodha, la Colère. C'est une autre dénomination des rākshasas, faisant allusion à leur goût pour la chair fraîche.
- pitris: les défunts, auxquels il convient de rendre hommage et faire des offrandes (shrāddha, pinda).
- prādesha: pays, mot ayant donné pradesh en hindi et entrant dans le nom de plusieurs Etats de la fédération de l'Inde. Le Madhya Pradesh est l'état du milieu, l'Uttar Pradesh celui du nord, l'Himāchal Pradesh celui du manteau de neige, l'Andhra Pradesh le pays des Andhras. Tous ces noms proviennent directement du sanskrit.
- Prakṛiti: Il est d'usage de traduire Prakṛiti par Nature. Plus précisément dans la cosmologie de la création elle est la Nature au stade indifférenciée, la matrice fécondée par le Puruṣa avec les guṇas, qui tels des gènes lui donnent forme. Mais au sens littéral pra-kṛiti est "ce qui amène vers (préfixe pra) l'accomplissement (verbe kṛi)", autrement dit la réalité, l'effectif. Dans le Brahman non manifeste Prakṛiti est le potentiel des choses. A l'initiative du Puruṣa qui insémine en Elle l'intelligence de l'ordre, la différence, l'identité des choses, Prakṛiti génère le monde concret des actions, le champ d'activité du Puruṣa. (voir entrée Parvati pour plus ample développement). Elle est aussi souvent appelée Pradhāna, i.e. ce qui offre ou présente l'essentiel, la base, dans les textes où la volonté est de mettre l'accent sur son caractère non manifeste (avyakta), indifférencié, matriciel (yoni), alors que Prakṛiti met l'accent sur son caractère potentiel. La terre elle-même, Prithivi, Go, la mère, est souvent qualifiée de karma-bhūmi: le champ des activités, la scène sur laquelle les créatures "en état de devenir" s'agittent et interagissent.
- pralaya: la dissolution (aussi appelée nirṛiti) est le complément nécessaire de prabhava, la manifestation. Cette dernière comprend la création (sṛiṣṭi) et l'évolution et la dissolution put aussi être considérée comme une involution. Les dvaitistes associent à chacun de ces stades trois formes de Vāsudeva: Saṁkarṣana (de sam-kṛiṣ: tirer vers soi) étant sa forme involutive, Pradyumna sa forme désidérative ou créative et Aniruddha sa forme évolutive. On dit que dans le Brahman non manifeste (avyakta) au cours du stade involutif de la pulsation, les entités sont à devenir ou potentielles (bhāvia) et le Brahman ou Vāsudeva sont qualifiés de causals (kāraṇa) pour l'univers manifeste.
- prāṇa: le souffle de la vie, l'énergie qui agite l'ākāsha (l'éther) ou l'avyakta (l'atome indifférencié de Prakṛiti) et lui confère la vibration. Le mot prāna est souvent employé au sens de respiration sans préciser s'il s'agit de l'inspiration (pūraka) ou de l'expiration (recaka), alors qu'on devrait employer le mot prāṇa (de pra-an) pour l'inspiration qui fait avancer l'air dans le corps et apāṇa (apa-an) pour ce qui fait sortir l'air. Mais le concept de souffle vital fut ensuite étendu à d'autres fluides corporels que l'air, y compris les calories, les décharges électriques dans le système nerveux et même l'ātma. On en vint à parler des cinq prānas: prāna, apāna, samāna, vyāna et udāna (voir Upanishads Praśna section 3, Ṡandilya section 4, Yogacūḍāmaṇi vers 22-32, Triṡikhī-brahmaṇa 2.77 – 2.88) pour ne citer que les principaux. Udāna est le souffle vital supérieur irriguant le cerveau qui conduit l'âme hors du corps, c'est udāna qui propage la lumière, l'énergie tejā. Le souffle inférieur apāna est celui de la terre, de la reproduction, de la matière. Le souffle médian samāna est celui d'akasha, qui pénètre partout (pervase, permée), qui distribue l'énergie et égalise sa distribution. Le souffle dispersif (vyāna) est celui qui éparpille les sensations dans d'innombrables canaux nerveux) Le prāṇā-yāma est le contrôle du souffle vital. Les sages raisonnant souvent par analogie, on peut voir dans l'inspiration un "remplissage du pot du corps" et le comparer à celui de la mémoire par l'étude. Réciproquement l'expiration est comparable à une excrétion, voire à un rejet d'une connaissance indigeste. La rétention de la respiration se dit kumbhaka: stabiliser le pot du corps. Faut-il y voir une image pour la méditation? Concernant le sens spirituel de prāṇa dans les Upanishads, son excellence parmi les fonctions vitales et son rapport étroit avec le Brahman voir l'entrée Vāyu. Dans la pratique (abhyāsana) du prāṇāyāma il est d'usage d'inhaler pendant 6 mātrās (unité de temps de l'ordre de la seconde), bloquer l'air pendant 8 mātrās puis expirer pendant 6 mātrās; plus tard on double puis on triple chaque intervalle. Mais il n'est pas question de faire une pause avec le kundalini vide d'air dit le Yogacūḍāmaṇi-upanishad car lorsque prāṇa quitte le corps, alors on est mort.
- praṇam, salut respectueux et obéissant, terme utilisé en particulier envers Krishna par Arjuna dans le Gītā shloka 11 - 14 mais s'appliquant aussi à un aîné.
- prasāda: grâce, faveur ou miséricorde divine. C'est aussi le nom que l'on donne à la nourriture sanctifiée que redistribue le prêtre après qu'elle ait été offerte aux dieux.
- pravṛitti: la volonté d'agir (du verbe vrit -voir plus loin- suivre une direction, un cycle). Agir implique d'avoir conscience de soi-même en tant qu'individu (l'ego), donc pravṛitti est l'engagement dans l'activité pour servir les intérêts personnels. C'est donc aussi faire le choix de renaître pour poursuivre le cycle de la vie (samsara). Ce choix est légitime et constitue une des deux voies de la religion, celle de l'activité conforme au devoir (dharma). En ce sens on dit que pravṛitti est la voie des dieux. Mais on dit aussi que les dieux président aux sens. Pravṛitti n'est-il pas ce péché originel dont parle la Bible?
- pūjā: vénération et, au sens plus limité, une prière avec des offrandes.
- Purāna: littéralement une histoire ancienne. Ce sont des œuvres volumineuses qui ont pour fil conducteur des histoires se rapportant à une divinité et se fixent pour objectif de parler à la fois de la création, de l'ordre cosmique, de l'histoire de l'univers, de l'origine des rites, de philosophie, de sciences… Les pandits considèrent que le sujet principal des Purānas est la création (sarga), ou en d'autres termes la connaissance des origines (sṛiṣṭi vidya), ce qui justifie l'appelation de Purāna. Sur cette base seulement 18 oeuvres de ce type sont considérés comme des Maha-purānas. Mais il s'agit là tout simplement d'une sélection pour répondre au critère de perfection car chacun d'entre eux est aussi sensé être composé de 18000 vers (en fait la plupart en contiennent entre 10000 et 24000)
- puruṣa: mot dérivé de la racine verbale pṛī signifiant emplir (comme l'air emplit un récipient et l'âme emplit le corps), donc la personne et symboliquement l'homme. Le puruṣa est la personne qui a choisi d'agir (pravritti) en se mariant à la réalité (prakṛiti) et le Puruṣottama est la Personne Suprême qui emplit la Nature (Prakṛiti) lui servant à s'exprimer. Le mot puruṣa a une consonance plus spirituelle que nara, qui lui désigne spécifiquement la créature de l'espèce humaine (à priori masculine dans toute société ancienne). En atteste nara-siṇha qui associe les caractéristiques physiques de l'être humain et du lion dans le 4ème avatara de Vishnu, ainsi que les mots pauruṣan nreṣu dans la Gītā exprimant l'aptitude à la spiritualité dans l'espèce humaine. Il y a des exceptions notables comme dans tout langage, ainsi dans le Taittiriya Upanishad 2.1. où le mot puruṣa est employé de toute évidence au sens de créature vivante: "de la terre les herbes, des herbes la nourriture, de la nourriture le semen et du semen le purusha." Symboliquement la personne a forme humaine parce que c'est son expression la plus achevée sur terre et le Virat, Purushottama ou Narottama s'exprime dans la société humaine. Les membres de cette société se répartissent comme suit: les brāhmanas sont sa bouche, les kshatriyas ses bras, les vaisyas son ventre et les śudras ses pieds. Shiva est sa tête et Vishnu ses jambes dit-on aussi car Shiva médite et Vishnu agit. Mais par extension d'usage pauruṣa est tout ce qui fait d'un homme un homme et les machos pensent immédiatement à leur virilité. Dans le matsya purana chapitre 221 paurusha est l'effort, la persévérance, la qualité de la personne qui agit.
- Puṣpaka: nom du char aerien de Kubera, qui signifie "le fleuri". Il lui fut dérobé par son demi-frère Rāvana et servit à enlever Sītā. Rāma le rendit à Kubera.
- rājā (nominatif de la racine rājan déclinée comme ātman): un roi, né sous l'étoile de l'action et de la passion (i.e. du guṇa rajas). En fait ce mot rajas désigne une notion subtile et si typiquement Indienne puisqu'il est issu du verbe rañj (ou raj) signifiant colorer, illuminer et en particulier faire rougir, donnant aussi raṅga (la couleur), rakta (rouge jusqu'aux oreilles, enflammé), raga (la passion, le chant sentimental). Le rajas donne de la couleur à jīva, il l'enflamme et lui fait perdre sa pureté virginale (sattvika). Il faut être de "caractère sanguin" (rājasa) pour faire un bon roi, surtout pas "comme un veau" (tāmasa), caractère qu'on attend plutôt de ses administrés. Le Rājasthān est le lieu de séjour des rājas (sthā: se tenir, résider).
- rājasūya: sacrifice du suzerain.
- rākshasa: celui qui a le sortilège dans sa nature, ogre né sous l'étoile du tamas. Le nom est aussi orthographié rakshasā lorsque c'est une femme ou rākshasā, et même parfois rakshasa. Les soldats mlecchas servant de gardes dans les palais étaient appelés rākshasas.
- Rasātala: le monde souterrain.
- ratha: un char et par extension un guerrier sur char, aussi appelé rathin.
- ṛishi (ṛiṣi): sage possédant la connaissance transcendantale, i.e. les Vedas. Le nom ṛiṣi est issu du verbe ṛiṣ qui signifie se mouvoir rapidement, conduire le troupeau: un ṛishbha est un taureau. Cependant la fonction sociale d'un ṛishi dans la création de Brahmā est celle d'un patriarche éclairé (il a la vision divine, ce qui incite à faire le rapprochement avec le verbe dṛiṣ), qui inspire ses ouailles notamment en composant des hymnes à la gloire divine et en les chantant.
- Rishyamūka: nom d’une colline dans le Rāmāyana où séjournent Sugrīva et Hanumān.
- sāla ou ṡāla: arbre à feuilles caduques communément répandu dans toutes les forêts du nord du sous-continent indien, servant de référence pour la grande taille d’un héros ou de ses bras (ce qui laisse à penser que l'origine du mot est le verbe ṡāl: être digne de louange, valorisé).
- ṡāli: le riz. Il est possible que le mot ait un rapport avec ṡāla qui désigne tout ce qui est enclot (et aussi un arbre: dans ce cas le mot est aussi orthographié sāla –voir ci-dessus). De ṡāla est dérivé ṡāli au sens de personne établie, avec un domicile et des biens, dont sans doute un silo à grain. Il existe d'autres noms du riz, notamment vrīhi qui désigne le grain couvert de sa balle et le paddy (riz dans le champ – le mot est probablement dérivé du verbe vṛi = couvrir), et réciproquement taṇḍula qui désigne le grain de céréale de quelconque nature débarassé de cette balle (le mot est dérivé du verbe taḍ = battre, frapper). Le vers 6 du Skandopanishad dit que jīva est à l'ātman ce que vrīhi est à taṇḍula.
- sama: un adjectif qui signifie même, égal, n'importe lequel, indéniablement relié à la préposition sam ۭsignifiant tout, ensemble, "dans le même panier", très rarement employé par contre dans le sens d'identique. Attention encore une fois au danger des mots, qui au cours du temps et l'ignorance des gens aidant, en viennent à dire une chose au premier degré et son contraire au deuxième degré. "sama ṡitoṣṇasuḥkaduḥkeṣu" ne peut évidemment signifier que le chaud et le froid, le bonheur et la douleur sont ressentis de façon identique par le sage (il serait insensible, en état de mort cérébrale), mais que peu lui importe. Pour le lecteur moderne la confusion est bien entendu renforcée par la similitude avec le mode anglais "same". Remarquons qu'en français aussi il faut faire attention à ne pas confondre identicité avec indifférence: l'identicité (mot inusité pour l'état de ce qui est identique, uni-forme) implique la comparaison à un modèle qui définit l'identité d'une chose, tandis que l'indifférence signifie ne pas agir en fonction d'une différence réelle, l'accepter avec impartialité, parce qu'on n'est pas personnellement concerné (guna guneshu vartanta – Gītā 3.28). C'est le sens du mot samatā: l'impartialité, "l'équanimité" face aux circonstances, voir d'un même oeil les contraires qui sont l'essence de ce monde. La personne qui jouit de cette capacité est en état de samatva (Gītā 2.48: samatvam yoga ucyate) ou de sāmya (Gītā: shloka 5.19: yeshām sāmye sthitam manaḥ). Et quelle coincidence (en est-ce une en fait?) sāman signifie la paix. Cette qualité, sama, diffère un peu de tulya (qu'on trouve par exemple dans Gītā 14.24, 14.25), qui exprime la capacité à peser le pour et le contre de chaque chose pour arriver à la même indifférence. (voir alineas Lakshmī Tulsī et Agastya).
- sāṃkhya ou sānkhya: formé du verbe khya pour faire connaître et du préfixe saṃ, qui exprime le rassemblement, le mot sāṃkhya est au sens originel l'énumération, la discrimination et par extension l'analyse logique. On l'emploie souvent au sens restreint d'analyse logique des principes du cosmos tels qu'ils ont été enseignés par Nārada, le sage divin né de Brahmā, aux fils de Daksha ou par Kapila à sa mère Devahūti.. Parfois aussi sāṃkhya est un rassemblement humain, une bataille. Le point de départ de l'analyse cosmologique de l'univers réel est l'idée du Purusha insufflant une intelligence dans l'univers non manifeste, informe, nommé Pradhāna (la base). Cette intelligence nommée mahat, qu'on peut assimiler au pouvoir de création par la conscience divine (yoga-māyā), provoque une différenciation, une distinction (pṛithak) dans l'informe, sur la base de laquelle les éléments de la création acquièrent une identité distincte appelée ahamkara. Pradhāna non manifeste devient Prakṛiti manifeste, celle qui rend l'activité possible en différenciant ses éléments. Le Purusha s'identifie à une entité réelle avec un ahamkara pour agir dans Prakṛiti, mais en fait ce sont les éléments de Prakṛiti qui interagissent sans que le Purusha y soit pour rien (Bhāgavata Purāna 3.27.1 et Gītā 3.28, 5.14 entre autres shlokas). C'est l'idée de base. Les trois éléments de base de la différentiation sont les guṇas (voir cette entrée). On peut schématiser en disant qu'ils sont matérialité- implication dans le réel-spiritualité, ignorance-action-conscience ou bhur-bhuvar-svar … Sur cette base la théorie sāṃkhya de l'univers reconnait 24 éléments constitutifs de Prakṛiti qui diffèrent quelque peu dans le détail selon l'exposé qui en est fait mais qui comportent les 5 tanmātrās, les 5 maha-bhūtas, les 11 sens, l'intelligence, l'ahamkara. Le 25eme élément est le Purusha ou (variante intéressante du Bhāgavata Purāna – 3.26.16) kāla, le temps: "ce pouvoir divin qui place jīva (Purusha) sous le pouvoir de Prakṛiti en l'incitant à s'identifier (aham-kartum) à son enveloppe matérielle" , i.e. qui l'incite à différentier l'univers par les gunas.
- saṃnyāsa: la résolution de ne pas être avec (saṃ ni as) une activité, l'abstraction de la mondanité. Mais dit Krishna le vrai saṃnyāsa consiste à vouer son activité au Brahman ou à la Personne du Brahman, autrement dit à la Lui abandonner (verbe tyaj – substantif tyāga). L'inactivité complète est une preuve d'ingratitude puisqu'on refuse d'accomplir les tâches prescrites.
- saṃsāra: le cycle des renaissances, ou plus exactement le processus de transmigration qui est l'écoulement (substantif sara découlant du verbe sṛi – voir entrée Sarasvatī) avec ( saṃ) ses traits de personnalité d'un corps à un autre. Il convient de concevoir ce processus comme un choix personnel, même si pour de nombreuses personnes ce choix est inconscient. "Ce à quoi tu penses au moment de partir, cela tu seras " dit Krishna à Arjuna. Parmi d'autres textes dressant un tableau apocalyptique de l'existence matérielle, de la vieillesse et de la mort, la section 3.29 du Bhāgavata Purāna dit que: "jīva est si bien induit en erreur par la māyā divine qu'il se trouve satisfait d'être en enfer, persiste à vouloir trouver du plaisir dans la souffrance et n'accepte pas de mourir, même si on lui promet une autre vie. Il renaît donc dans un monde de souffrance auquel il aspire tant qu'il reste dans l'erreur." On nous dit que: (i) jīva fait un rétablissement d'une carcasse à une autre comme une chenille entre deux feuilles; (ii) qu'il change d'enveloppe matérielle comme on change de vêtements quand ils sont sales et usés; (iii) que c'est lui qui se construit le corps auquel il aspire après avoir pénétré dans la matrice appropriée. Alors il souffre énormément et regrette son choix (Bhāgavata Purāna 3.31) ; mais dès qu'il est né il oublie tout.
- samshaptakas: ceux qui ont fait un vœu ensemble, en l'occurence dans le Mahābhārata celui de ne jamais fuir face à Arjuna et de le tuer.
- sat, asat, satya, tattva et sattva: Le verbe as a pour participe présent sat, lequel peut être décliné comme un nom ou adjectif se terminant en at, masculin, féminin ou neutre au choix. Voir l'entrée " as, bhū et vid" concernant la signification du verbe as. Sat est ce qui est, l'indéniable, tandis que bhava est la présence, ce qui est transitoirement. Mais il est plus courant d'employer le mot composé sadasat (déformation phonétique de sat-asat) dans les textes Védiques pour désigner le couple d'opposés (dvanda) consistant dans le spirituel et le matériel (par exemple dans Gītā shlokas 9.19, 13.13), le vrai et l'apparent, ce qui est juste et ce qui est mauvais (Gītā 13.22). Ainsi dans le Kaṭha Upanishad (vers 1.3.5 et 1.3.6) les sens sont comparés à de mauvais chevaux (duṣṭāṡvā) lorsqu'ils sont libres d'agir pour satisfaire les désirs et à de bons chevaux (sadaṡvā) lorsqu'ils sont contrôlés et utilisés sélectivement dans de bonnes actions. Satya est ce qui se rapporte à ce qui existe (sat), i.e. ce qui est vrai par nature, et non pas ce qui paraît (asat, bhava). Satya est la vérité énoncée mais le vrai en tant que tel est appelé tattva. Tat-tva est littéralement l'état de (signification du suffixe tva) tat. Or ce qui est désigné par tat dans les textes Védiques (cela par opposition à ceci – idam, ena – que je peux toucher) c'est le Brahman, Ce qui transcende les apparences et constitue la Vérité. L'expression "l'ordre des choses" exprime plus ou moins l'idée de tat-tva. Ce qui par association phonétique rappelle à la mémoire la fameuse formule "Tat tvam asi" dans les vers 6.8.7 et 6.9.4 du Chandogya Upanishad : Cela (le Brahman) tu es. Autrement dit, tu n'es pas contrairement aux apparences ce corps que tu habites, mais une fraction mise en bouteille de cette entité spirituelle qui est source de tout. On ne saurait citer cette formule sans cette autre qui la complète (Gītā 17.23 et Chandogya): "Om Tat Sat" - (J'ai foi en) Cet inaltérable qu'on invoque en prononçant l'akshara Om et qui (seul) Existe. Le mot tattva est utilisé pour "ce qui est vrai par essence", parce que cela ne sera pas invalidé par un changement demain, donc l'état spirituel, l'état absolu par opposition à l'état de devenir dans le réel. Mais il est aussi employé pour désigner les éléments (mahabhuta) voire même les tanmātras dont ils sont issus. Et le sat-tva? En fait c'est la même chose , mais le mot est utilisé principalement au sens de "ce qui a la qualité du tattva, le guṇa de la spiritualité, qui implique la bonté et la pureté entre autres.
- ṡataghnī: ṡata (participe passé du verbe ṡo) signifie acéré et ghni est une forme du verbe han (tuer à la 3ème personne singulier donne hanti et au pluriel ghnanti), d'où le nom d'une sorte d’arme à pointes. Les plus petites étaient des masses cloutées et les grandes des troncs d’arbre armés de pointes que l’on jetait du haut des remparts.
- ṡraddhā: la foi, la fidélité (ṡrad-dhā: installé dans la vérité, la fidélité) tandis que l'adjectif correspondant ṡrāddha est souvent utilisé comme substantif dans le sens plus spécifique d'acte de fidélité envers les ancètres. Il s'agit du rituel de fidélité envers ses ancètres que tout un chacun se doit d'accomplir pour les satisfaire et obtenir leurs bonnes grâces et qui consiste en une offrande sous la forme d'eau et d'un gateau de riz appelé piṇḍa, qu'il convient de faire à des heures et des dates appropriées. Gayā (ville de l'Etat du Bihar) est un lieu approprié où se rendre pour honorer ses ancètres.
- sidh, sādh, sādhya, siddha et sādhu: Sidh et sādh sont les formes "faible" et "forte" d'un même verbe signifiant aller droit au but, réussir, accomplir (3eme personne singulier present: sādhati) ou respectivement être accompli (sidhyati). Mais la nuance est souvent subtile car le succès d'une entreprise se dit siddhi et si les sādhyas sont des êtres qui ont atteint leur but, c'est une victoire sur eux-même qu'ils ont remporté: autrement dit ils sont aussi siddha. Dans les Vedas et Purānas les Sādhyas sont les fils d'une fille de Daksha, eelle-même nommée Sādhya (comme les fils de Diti sont les Daitya, ceux d'Aditi les Aditya…). Selon le Bhāgavata Purāna, les Sādhyas dépendent comme les pitṛis des offrandes (havya/kavya) pour leur subsistance (3.20.43), tandis que les siddhis sont tellement introvertis (antardhāna) qu'ils sont invisibles. Les sādhus sont plus prosaïquement des êtres humains (un peu plus mortels que les êtres divins) qui ont choisi d'aller droit au but dans leur vie en adoptant le mode de vie du vanaprastha, se contentant de peu sur le plan matériel, juste assez pour subsister et progresser sur le chemin de la purification (bhava saṁṡuddi).
- smṛiti: ce qui a été dit par les sages, à distinguer du ṡruti (voir ci-dessous les entrées sruti, ṡruti et ṡāstra). Souvent les smritis sont des codes de culte.
- soma: boisson enivrante à base du jus d'une plante (acid asclepias, cannabis, chanvre indien ) et de lait, qui a l'origine était consommée uniquement au cours de rituels et dont dit-on Shiva et Indra sont friands. Certains hymnes du Rig Veda ressemblent à des chansons à boire (livre 6 hymnes 41-44 par exemple). On peut le comparer à l'ambroisie des dieux grecs, mais il ne faut pas le confondre avec l'élixir de vie (amrita). Quoi que? Certains vers (Rig Veda livre 6 hymne 44 vers 16) laissent planer un doute qui ne manque pas de ramener en mémoire que les deux breuvages sont laiteux et qu'un guerrier qui boirait du soma avant de partir au combat n'aurait pas peur de la mort. La recette du soma ne s'est pas tout à fait perdue dans les villages. Ce qui ressort des hymnes des Vedas à ce sujet (surtout du livre 9 du Rig Veda) est que la plante est broyée entre deux pierres comme les épices et que son jus, qui est vert, est ensuite filtré au travers d'un tamis qui autrefois était une peau de bête. Ce jus filtré est appelé indu (goutte). Il est mélangé avec du lait caillé.
- su, sva, sur, svar, svṛi: respectivement bon (préposition), soi-même, dominer ou resplendir (verbe), le domaine de ce qui domine, émettre un son. Ces syllabes et les mots qui en dérivent sont indéniablement reliés entre eux par leur membre le plus simple: su. Celui qui brille et domine (sur) est le sura (dieu) qui indéniablement trouve sa supériorité dans son introspection (sva-darshan). Aum Bhūr Bhuvaḥ Svaḥ: svaḥ ou svar selon la liaison phonétique avec le mot qui suit est la sphère qui domine celle des pouvoirs (bhuvaḥ) habitée par les yakshas, gandharvas et asuras, et celle de la matérialité (bhūḥ) habitée par les créatures (bhutas) dotées d'un corps matériel animé. Pour celui qui cherche les situer dans le cosmos, bhuvaḥ est l'atmosphère tandis que svaḥ est l'espace, au delà même des astres précisent certains pour être sûr que les hommes ne tenteront pas d'y aller. Or qu'est-ce qui est la propriété de l'espace selon la logique saṁkhya? Le son. Prononcer un son est la façon originelle de manifester sa présence selon tous les écrits religieux (la Bible tout autant que les Vedas), celle du bébé à la naissance, un cri de guerre peut-être de sa part, ou tout au moins de colère. Svṛi consiste donc à manifester sa supériorité, à briller pour l'assistance, de manière concrète en émettant un son, qu'on appelle svara. Le précis de grammaire appelé Paninīya ṡikṣā explique que c'est bel et bien l'ātmā qui a l'intention de se manifester vocalement et met en branle successivement l'intelligence, le mental, le feu interne du corps, l'air dans les poumons (le soufflet), le son de fond de gorge (mandra) et finalement le son articulé (svara), qui n'en est pas moins l'expression de soi (sva). La grammaire (vyākarana) est considéré comme une science noble car elle permet de comprendre et la compréhension est un pilier de la religion. Dans le même registre il me parait donc intéressant de souligner que su peut aisément devenir ṡu et de là ṡubh, ṡudh ou ṡuc qui signifient tous plus ou moins faire briller, en bien (ṡubh, qui est presque su –bhū), spirituellement (ṡudh, purifier), ou parfois en mal pour ṡuc (enflammer comme une fièvre, souffrir). Ce qui brille (ṡubh), ce qui est clair (ṡukla) est bon (su).
- Sudarshana: celui qui est un beau spectacle, le disque (chakra) de Vishnu, qu'on imagine brillant comme un soleil et par conséquent beau à voir.
- sūta: l’aurige qui occupe aussi les fonctions de palefrenier, confident du kshatriya et de son cuisinier (pour la cuisson des viandes que seul le kshatriya est habilité à consommer pour satisfaire sa nature rajasa). Traditionnellement c'était la tâche réservée au fils d'une femme brāhmani par un kshatriya (donc le produit d'un mélange des castes –varṇasaṁkara - souvent sujet au mépris). Néanmoins c'était aussi souvent lui qui racontait des histoires à la veillée: les kshatriyas comme Yudhishthira adoraient celà.
- sūtra: le brin, le cordon, le maillon (du verbe siv: coudre) des Vedas et de toutes les compilations de règles établies par la suite, dont celles de grammaire sanskrite par Pānini. Typiquement un sūtra est un aphorisme hermétique par sa concision et difficile à comprendre pour un non initié. Les plus célèbres sont les Brahma sutras, aussi appelés Vedānta sutras, qui ont donné lieu à différentes interprétations, notamment par deux philosophes du moyen-âge nommés Ṡankarācarya (650-700 AD) et Rāmānuja (1000-1050 AD). Dans les siècles qui ont suivi ils ont même donné lieu à des interprétations présentant une nette influence islamisante, telle celle de Madhva (1197-1273) qui croyait à la damnation éternelle. Chacun peut en tirer sujet de réflexion personnelle en analysant bien les termes et leur contexte, soit dans l'optique advaitiste de Ṡankarācarya soit dans l'optique dévotionelle de Rāmānuja, ou mieux encore en combinant les deux. Les philosophes se complaisent à décortiquer les textes (ce qu'ils appellent eux-même la casuistique) et font alors preuve d'une étroitesse d'esprit étonnante.
- sruti, ṡruti et smṛiti: en liaison directe avec le précédent bien que ne dérivant pas de la même racine verbale, une sruti est au sens propre un flot (du verbe sru: couler) et au figuré une ligne d'écriture se rapportant aux textes védiques. Une ṡruti (du verbe ṡru: entendre) est une parole entendue et pour tout Hindu cela implique qu'elle a été prononcée par le Seigneur Lui-même: une ṡruti est une parole des Vedas, une parole révélée. Voilà pour la version dévotionelle de l'histoire. Maintenant pour ce qui est de la raison réelle d'appeler ces textes ṡrutis elle est qu'avant l'invention de l'orthographe (probablement il y a 3000 ans pour le cunéiforme) et de supports d'écriture autres que la pierre, il fallait se rappeler les textes des Vedas. Aussi les récitait-on à l'envie (pāṭha), en incluant les accords de diction, ou en séparant les mots 1 par 1, 2 par 2 puis 3 par 3, ou à l'envers, et l'auditeur comparait ce qu'il entendait à la mémoire qu'il en avait. Le verbe paṭh (aller, suivre une route) n'en est venu à signifier lire que plus tard. Une smṛiti est une pensée remémorée (du verbe smṛi: se souvenir) et par opposition à la ṡruti il s'agit d'une pensée qu'ont eu les anciens sages, une parole inspirée, qui a été insérée dans un texte exposant la tradition (le parampara), tel qu'un Purāna par exemple. Certains Hindus, comme les adeptes de toute les autres religions, font grand cas de distinguer la littérature révélée de celle qui est inspirée, ce qui est étrange étant donné la propension de Vishnu à émettre des aṁṡa et avatāras! Précisons cependant que les Brahma sutras, bien qu'ils soient attribués à Vyāsa, sont des textes inspirés (smriti ou āgama) et à fortiori les commentaires (bhāshya) d'un Shankara ou d'un Rāmānuja. Qui sinon Vyāsa pourrait nous expliquer ce qu'il a incontestablement voulu dire dans chacun des Brahma sutras?
- ṡāstra: on a aussi tendance à confondre les sruti, śruti et smṛiti avec les ṡāstras, partant du principe que les textes sacrés énoncent des commandements. Un śastra (masculin) est un outil coupant tel qu'une épée (du verbe ṡas: couper, tuer) et au sens figuré un outil pour punir et par extension un śāstra (neutre) est une loi. Pour amplifier la confusion des esprits les mots ṡasta et ṡastra dérivés du verbe ṡaṁs (réciter) désignent un vers des Vedas récité à haute voix, plus particulièrement ceux exprimant la louange et l'approbation. On compte environ 18 recueils de "dharma- ṡāstra" dont les fameux Yajnavalkya-smṛiti et Manu-smṛiti. Ces derniers qui compilent toutes les règles du droit civil et pénal Hindou depuis 2500 ans ne se contentent pas d'énoncer des śāstras mais rappellent aussi brièvement leurs fondements. Certains autres de ces textes compilent des règles de purification et de pénitence qui laissent pour le moins réveur le lecteur le plus tolérant et ne peuvent manquer de faire bondir les défenseurs de grands principes éthiques plus modernes. Même celui qui par respect de la tradition reste convaincu de leur bien-fondé se doit d'admettre qu'un peu de ménage serait nécessaire, y compris dans les Manu-smriti, car il ne sert à rien de défendre des lois rejetées par la grande majorité de la société. C'est un comportement asocial, qui pèche par manque de bienveillance et de jugement (Gītā shlokas 3.21 et 3.26). On ne saurait omettre de mentioner ici les fameux artha- ṡāstra de Kautilya, dont le nom est à n'en point douter un pseudonyme puisqu'il signifie le retors, le politique. C'est le premier recueil de préceptes de bonne gouvernance écrit par ce conseiller du roi Candragupta (321-297 BCE) fondateur de la dynastie Maurya, qui (ce n'est pas un détail anodin quand il s'agit de codes et de lois impliquant le respect de la morale) était un adepte du Jainisme, et dont le petit fils Ashoka (268-232 BCE) était lui adepte du Buddhisme. Leur lecture est d'un grand intérêt sociologique et historique. Le texte est à n'en pas douter plus respectueux de l'éthique du prince, dont le rôle dans la société est de protéger et d'administrer au mieux pour que tous prospèrent, que celui de Machiavel. On y parle néanmoins de principes tels que celui de diviser pour régner (qui n'est donc pas une invention Anglaise), notamment en répandant des fausses nouvelles, d'acheter des alliés et autres cuisines chères aux politiciens.
- stotra: dans le même ordre d'idées le stotra est un hymne chanté, une ode (du verbe stu exprimant la même idée), comme on en trouve non seulement dans le SāmaVeda mais aussi en conclusion de la plupart des histoires édifiantes racontées dans les Purānas. La récitation psalmodiée du Rāmāyana au cours des veillées de la semaine du Rāmalila, ainsi que les bhajans, notamment dans les films de Bollywood, peuvent être considérés comme des résurgences de la tradition des stotras. Mais le plus fameux stotra à l'ère actuelle n'est-il le refrain "Hare Krishna Hare Rāma" qui moyennant sa prononciation un million de fois (pour le moins) constitue la meilleure recette proposée par l'ISKOM pour ne pas oublier Krishna.
- sūkta: su-ukta "ce qui a été dit en bien", un dernier mot utilisé pour parler d'un hymne. Puisque l'entrée "vāc" (parole, voix, nom premier de Sarasvatī) est absente de ce lexique, j'en profite pour mentionner au passage deux verbes abondamment employés dans la littérature védique: 1) le verbe vac signifiant dire (forme raccourcie dite "faible" uc, participe passé ukta, passé simple ucyate) et 2) le verbe vad signifiant parler (forme raccourcie ud, participe udita, passé simple udyate). Le plus connu des sūktas est le "Puruṣa sūkta", un des hymnes du Rig Veda composé de 24 anuṣṭubh (shloka de 4*8 syllabes) et triṣṭubh (vers de 4*11 syllabes) à la gloire du "Maha-purusha" (le Purushottama, la Personne du Brahman). L'hymne commence par le décrire comme ayant mille têtes, mille yeux, mille bras (on retrouve ici le shloka 13.14 de la Gītā et la description de Vishva-rupa par Saṅjaya dans la section 11). Puis il y est dit que dans le sacrifice de la création Il offre une partie de Lui-même, qui tient lieu d'offrande, de combustible, de feu et d'officiant dans ce "yajna" (on retrouve le shloka 4.24 de la Gītā). Il y est dit aussi que cette partie de Lui-même est le Virat, dont la bouche, les bras, le ventre et les pieds sont les quatre varnas. Bien que le Mudgal Upanishad dans son éloge de ce poême dise que c'est le plus secret des secrets (rājaguhyaṁ guhyadapi guhyataraṁ), il n'est pas si difficile à comprendre pour qui a lu la Gītā et le Bṛihadāranyaka sinon que le sanskrit est ancien. Certains seraient tentés de croire qu'y soit évoqué un sacrifice humain, mais la Personne dont le corps est l'univers peut aussi présenter les traits d'un cheval (premier brāhmaṇa du Bṛihadāranyaka) et puis le Christ ne s'offre-t-il pas en sacrifice?
- svayamvara: le libre choix d'un époux par une jeune fille. Il semblerait que cette tradition était suivie principalement par les membres de la caste khsatriya et que le choix ait été fait plus sur la base d'un tournoi chevaleresque que par la fille "elle-même" (sens de l'adjectif sva et de l'adverbe svayam).
- svāhā, svadhā: Svāhā (su-āhā, de su signifiant bon et du verbe ah signifiant dire, rien à voir avec sva signifiant soi-même) signifie c'est bon, c'est bien! quelle chance! Svadhā est au choix ce qui est bien placé (su-dhā) ou la portion propre à chacun (sva-dhā). On prononce le mantra svāhā (ou un mantra dont le dernier mot est svāhā) en faisant des libations de beurre clarifié dans le feu pour les dieux et le mantra svadhā (ou un mantra dont le dernier mot est svadhā) en faisant une offrande aux ancêtres (pitṛi). La devi Svāhā est l'épouse d'Agni. Le Brahma-vaivarta Purāna (Prakriti Khanda chap 41) dit que sans elle Agni n'a pas l'instinct de brûler : elle est sa Ṡakti.
- tala: un palmier de l'espèce borasus flabellifer.
- tapas et tejas: Tapas est l'austérité physique, orale et mentale, nécessaire à la concentration de l'esprit sur ce qui importe. Elle comprend l'ascèse physique et la récitation de textes sacrés, sans oublier les règles de base du dharma. Le mot tapas est souvent traduit par pénitence, bien qu'il ne soit pas question de s'auto-punir d'une quelconque faute, sans doute parce qu'au sens littéral c'est un feu intérieur qui consume. Au sens propre le verbe tap exprime l'action de chauffer, détruire par la chaleur, tapas est la chaleur (mot neutre) et le mot dérivé tāpa (masculin) ce qui brûle, comme la fièvre ou la peine. La définition fondamentale de tapas est donnée dans le Bhagavad Gītā section 17, shlokas 14-19. Vyāsa la définit comme la volonté de détacher l'esprit des objets des sens. La source de chaleur par excellence est le Feu ou le Soleil, que l'on appelle Tapaka ou Tapana (et non pas Tāpa); tapana est aussi l'été. L'autre propriété du feu et du soleil est de briller, auquel correspondent les verbes bhā et tej: bhā exprime plus précisément le fait d'éclairer et tej de heurter par son acuité. Tejas est la flamme pointue qui pique comme une épée, la splendeur. Pourtant dans le shloka 7.9 de la Gītā, Krishna dit qu'il est tejas dans Vi-bhā-vasu: la splendeur du Feu qui éclaire tout autour de lui. Il est évidemment difficile de distinguer les deux propriétés du feu qui sont de chauffer et d'éclairer. Dans les Purānas l'ascète qui accomplit une austérité prolongée (ressemblant à s'y méprendre à une pénitence Chrétienne pour celui qui ignore l'intention de l'ascète) se transforme en bois desséché mangé par les termites (voir par exemple Brahma-vaivarta Krishna-janma-khanda 31 à propos du rajarshi Sucandra) ou son corps est digéré de l'intérieur (même source section précédente à propos du sage Devala). Soit ils sont rendus à la vie par Brahmā ou Shiva qui les arrose d'un peu d'eau et leur propose une grâce, soit ils rendent l'âme au passage de Krishna ou de Rāma et celle-ci sous la forme d'un trait de lumière, entre dans les pieds du Seigneur. En se consumant l'ascète devient pure lumière, synonyme de spiritualité et de sagesse. La pénitence à accomplir pour se purifier d'une faute commise se dit prāyaṡ-citta (pensée de quitter la vie) et la purification rituelle après avoir été en contact avec une impureté ṡuddhi. Les prāyaṡ-cittas appropriés pour chaque faute sont abondamment décrits dans les dharma-ṡāstras, et leur appelation peut se comprendre du fait qu'ils consistent généralement en un jeune partiel pouvant se prolonger sur un mois (voir par exemple Atri smriti 112-130). Par exemple le cāndrāyaņa consiste à se nourrir d'une bouchée de nourriture supplémentaire chaque jour de la lune croissante (ṡukla, avant la pleine lune - purnima), puis à réduire sa nourriture d'une bouchée chaque jour de la lune décroissante (kṛiṣṇa), pour jeuner complétement le jour sans lune (amāvasyā).
- tanmātra: "une quantité de cela", mātra étant l'unité de mesure dans tous les domaines et en particulier du temps. Ce qu'on appelle les tan-mātra sont les cinq éléments subtils des choses sensibles, qu'on peut aussi qualifier de potentiels: le son (ṡabda), le toucher (sparṡa), la forme (rūpa – qui incluse lumière et couleur), le goût (rasa) et l'odeur (gandha). Les cinq éléments (mahā-bhūta = mahat bhūta) sont leurs manifestations matérielles, déjà teintés d'une certaine complexité car chacun a une qualité supplémentaire par rapport à celui qui le précède dans la création. Le premier mahābhūta est l'espace (ākāṡa quicontient les choses et qui véhicule le son), le second est l'air (vāyu) qui est gazeux et est capable de véhiculer la sensation de contact mais aussi les sons, le troisième est le feu (agni) qui véhicule lumière et forme (aspect) mais aussi les deux précédents, le quatrième est l'eau (ap, āpas) qui est liquide et qui véhicule le goût, le cinquième est la terre (pṛithvī) , qui est solide et qui véhicule l'odeur mais qui a aussi un gôut, une chaleur, une consistence et un volume. L'idée de tanmātra n'est pas un pur formalisme: elle exprime que notre mental conçoit un objet aussi simple que la terre ou l'eau au travers de cinq sensations à la fois. L'eau n'est pas seulement un liquide, elle fait un bruit apaisant en s'écoulant, elle rafraichit, elle étanche la soif et purifie le sens du goût… Le réel n'existe pas en soi mais par la perception qu'on en a. Chaque sens lui confère une dimension et le mental en fait la synthèse; respectivement pour une personne née aveugle ou sourde l'univers a une dimension de moins.
- tantra: le tissage, la chaîne, la toile et par extension la formule magique considérée comme la trame (tantu) de ce qui est étendu (verbe tan). Le tantrisme est un culte décadent issu en partie du Buddhisme (au moins pour le goût prononcé de la récitation de mantras sinon plus) et de la pratique du yoga avec le propos d'acquérir des pouvoirs divins (magiques), et qui présente sans doute des points communs avec le culte vaudou. Il semble avoir vu le jour en Assam, au royaume des rois mlecchas et être basé sur des mythes impliquant l'intervention de Shiva, ce qui m'inspire la pensée que Shiva assume le lourd fardeau de tout ce qui est tamasa, y compris semble-t-il de ce qui constitue le pur naufrage de la religion dans l'obscurantisme. Dieu est en toute chose, y compris en cela! Ceux dont la foi est fondée sur le devoir moral se tournent vers Rāma, ceux pour qui elle est fondée sur l'intelligence vers Krishna et ceux qui croient en la magie vers Shiva. "Yo yo yam yam tanum bhakta…"
- tattva:voir sat, satya
- tīrtha: à l'origine ce mot qui dérive du verbe tṛī (traverser) signifie un passage, une route, pouvant entre autres constituer un moyen d'accès à l'eau. Au côté de la connaissance, la pureté est primordiale dans la religion Hindoue. Aussi ce mot en est venu à désigner essentiellement un lieu où l'on a accès à une eau pure, sainte, un lieu propice pour un bain rituel et un sacrifice. Les mérites associés à chaque tīrtha du Bhārata varsha constituent un sujet important des Purānas et du Mahābhārata qui leur consacre plusieurs centaines de pages. Les tīrthas ne sont pas nécéssairement de sources et il est souvent question de leur construction comme un acte méritoire accompli par un roi dans les temps anciens. Un tīrtha peut être entre autres un ghat sur une rivière sacrée telle que Gangā ou Sarasvatī. Mais en sanskrit le mot ghata désigne le pot en terre que les femmes allaient remplir au point d'eau.
- tomara: la lance.
- tretā: l’âge numéro trois, l’âge d’argent, celui de la causalité.
- tri: le plus propice de tous les nombres (voir leur liste en fin de lexique).
- Tripura: les trois villes construites par les fils du Daitya Tāraka. "Maya, cet autre Daitya à la grande intelligence, construisit pour eux trois cités dont l'une était faite d'or, l'autre d'argent et la troisième de fer noir. La cité d'or fut placée dans l'éther, la cité d'argent dans le ciel et la cité de fer sur la terre" (les trois sphères Sva, Bhuva et Bhū respectivement – texte de la section 33 du Karna Parva). Elles ne se rencontraient qu'un fois tous les mille ans et, à cette occasion, uniquement Shiva pouvait les détruire avec une seule flèche. En fait le Garuda Purāna (Ac. Kh. 236.4) donne une interprétation intéressante du mythe de Tripura: ce seraient les trois états dans lesquels s'égare la conscience, à savoir l'éveil (jāgara, jāgrat), le rêve (svapna) et le sommeil profond (suśupta). C'est assez fin car ce qu'on appelle la nescience est le lieu de résidence des démons. D'autre part l'éveil est terrestre: on dit qu'on a les pieds sur terre quand vit dans le réel. On dit aussi qu'on a la tête dans les nuages quand on rêve. L'état de conscience pure est appelé turīya (pour caturiya: le quatrième): en bref c'est celui dans lequel on est conscient de l'ātman. La question est amplement discutée dans de nombreux Upanishads: praśna 4, brihad 2-1, brihad 3-2, brihad 4-3 et 4-4, brahmo 20-23, kaushika 4-19 et 4-20, parabrahma 2. … Le Māndūkya Upanishad (vers 3 à 7) donne une explication très claire de ces états de conscience: dans le premier état (celui d'éveil) on connait les choses de l'extérieur (bahiṣ-prajña), on jouit de leur aspect grossier (sthūla-bhug); dans l'état de rêve on connait l'intérieur des choses (antaḥ-prajña) et on jouit de leur aspect subtil (pravivvikta-bhuk); dans l'état de sommeil profond on connait l'unicité des choses (ekī-bhūtaḥ prajña et on jouit de la béatitude (ānanada-bhuk). Turīya est l'état de conscience pure, au-delà de la connaissance, celle qui est sans sujet et sans objet (vers 7). On retrouve là la trinité des gunas, des vyāhṛiti (bhūḥ, bhuvaḥ, svaḥ) de la syllabe Aum. Voir l'entrée "nombres propices" à la fin du lexique.
- tyāga: le renoncement, l'abandon (du verbe tyaj), parfois employé dans le sens de délaisser comme saṃnyāsa mais plus souvent suivi d'un objet et d'un datif, i.e. l'abandon du bénéfice d'un acte à autrui, l'abandon des droits d'auteur des bonnes actions autant que des mauvaises.. Voir aussi entrée Ỉṡa. Upanishads: ce sont des textes souvent courts et rédigés en vers, de nature philosophique par rapport aux autres textes des Vedas dont ils sont extraits (voir entrée Veda). Certains posent une question d'apparence simple telle que "A qui appartient tout cela?" (Ỉṡa) "Comment tout cela fonctionne-t-il?"(Kena) "Qui sommes nous? Qu'est-ce que la mort?" (Katha) "Que signifie AUM?" (Chāndogya) "Qu'est-ce que la renonciation?" (Mundaka) "Qu'est-ce que le souffle vital, la conscience et son univers?" (Prashna) "Qu'est-ce que l'Ātman?" (Aitarya, Tejo Bindu..) "Qu'est-ce que le Brahman? (Ṡvetāṡvatara entre autres) "Quels sont les éléments de base de la pratique du yoga (Jābāladarṡana entre autres). La réponse est exprimée en termes imagés pour susciter la réflexion personnelle. D'autres sont des textes plus substantiels discutant de plus vastes sujets, en s'appuyant sur un concept récurrent tel que la syllabe AUM dans le Chāndogya, prāṇa et l'essence des choses dans le Bṛihadāranyaka. Ces enseignements plus complets qui étaient sensés avoir été prodigués par des sages installés dans la forêt sont appelés arānyaka. La distinction est assez formelle car comme leur nom l'indique les autres upanishads sont aussi des enseignements reçus en s'asseyant (sad) auprès (upa) et aux pieds (ni) d'un sage. Les principaux sont au nombre de douze et leur nombre total est de cent huit (11*12), les deux nombres étant de bon augure. Le Bhagavad Gītā est considéré comme l'un d'entre eux: le Gīto-Upanishad. Kṛiṣṇa dit dans la section 2 vers 42-43 et 45 de la Gītā: "traigunya vishaya veda | nir traigunya bhava'rjuna" et "yām imām pushpitām vācam| pravandanti avipaṡcitah|... kāmātmānah..." ce qui veut dire que les hymnes des Vedas et les textes appelés brāhmanas s'adressent aux personnes qui cherchent à défendre leurs intérêts matériels (traigunya vishaya) lorsqu'ils prient ou font un sacrifice; n'ayant à l'esprit que leur plaisir (kāmātmana) ils prononcent des mots fleuris (pushpitaùm vacam) pour encenser les dieux et atteindre leur but. Ne sois pas matérialiste comme eux Arjuna (nirtraigunya bhava Arjuna). Les Vedas s'adressent en effet à toutes les personnes dotées d'un sens moral (ārya) et reconnaissant l'existence de dieux, avec lesquels ils ont des échanges de bons procédés pour le bien-être de tous. Chacun est rétribué selon ses mérites et en tenant compte de ses goûts: il y a d'innombrables svar-loka, peuplés d'anges ailés, avec des oasis où coulent des rivières de miel et avec des apsaras, et tout ce qu'il faut pour le plaisir de chacun. Mais parmi ces justes peu sont encluns à réfléchir sur le sens de l'existence et attraper des maux de tête en pensant aux concepts d'Advaita, de Brahman, de Purushottama... L'élite constituée par ceux qui en sont capables lisent les Upanishads.
- van, vana: le verbe van, qui est peu employé sinon en tant que substantif dans la conclusion du Kena Upanishad (vers 4.6), est synonyme de kam: désirer, aimer, avec la même nuance agressive de conquérir, prendre possession, attaquer. Dans le Kena l'objet de ce désir n'est autre que le Brahman. C'est semble-t-il cette racine verbale qui donne le mot vana (neutre): la forêt. On ne compte pas les évocations de la forêt cachant mille périls dans laquelle erre l'âme incarnée. Et bien, les périls dont il est question sont précisément ses désirs.
- varṇa: (mot masculin issu du verbe vṛi ou de son corolaire le verbe varṇ -voir entrée vṛi ci-après ) est ce qui désigne, décrit, donc la couleur mais aussi la lettre. Au sens figuré cette couleur est la caste. D'après les Vedas (hymne 90 du livre 10 du Ṛig Veda), cette spécificité de tout membre de la société humaine correspond à la partie du corps du Virāt à laquelle cette créature matérielle appartient, ce qui fait qu'elle est particulièrement dotée d'une des trois qualités (guṇa) de toute entité matérielle (Gītā shloka 18-41). En fait les varṇas sont au nombre de quatre et leur orthographe correcte est brāhmaṇa, kṣatriya, viṡa et ṡūdra. Tandis que le brāhmaṇa a un comportement sattvika (pur, vertueux, spirituel) et qu'il est apaisé, maître de lui-même, tolérant, bienveillant, sage (shloka 18-42 de la Gītā) le kṣatriya est rajasa (porté à agir, individaliste et passionné) mais aussi généreux et héroïque, le ṡūdra est tamasa (ignorant, matériel, passif) et le viṡa est en partie actif et ignorant (voir discussion du sens du mot viṡa ci-dessous). Le Bṛihadāranayaka Upanishad (1.4.11-13) propose l'idée qu'il y a des varṇas aussi parmi les devas: le rôle du kṣatra est de règner, celui du viṡa est d'appartenir à une corporation accomplissant une tâche spécifique, d'où l'existence de classes parmi eux tels que les Ādityas, les Maruts, les Rudras etc.. et le rôle des ṡudras est de nourrir (puṣ) tel que Pūṣan ou Prithivī. On peut en déduire que le varṇa est donc plus associé à une activité qu'à une lignée parentale. Au sens propre de lettre, le mot varṇa a souvent le sens restreint de consonne tandis que la voyelle est appelée svara (voir entrée su). Svara est aussi la note de musique ( sa re ga ma pa dha ni), elle sonne, résonne, tandis que la consonne lui donne une forme, donc la rend plus spécifique. Svara résulte de la forme des lèvres et des cordes vocales sur le passage de l'air qui est expiré pour parler et varṇa est défini par la position de la langue.
- Vaikuṇṭha: c'est le domaine de résidence de Viṣṇu, dont un des épithète est vikuṇṭha, mot dérivé du préfixe privatif vi: et du verbe kuṇṭh signifiant cacher, ignorer. Vaikuṇṭha est le domaine de Celui qui n'est pas affecté par l'ignorance ou l'illusion et toutes leurs conséquences, ainsi que celui des élus qui sont autorisés à l'y rejoindre. Les Purānas le situent quelque part vers le pôle nord.
- Vedas: La connaissance par excellence, la parole de Celui qui sait et ce qui est à apprendre, ce qu'exprime le verbe vid (savoir, percevoir, comprendre, et au mode passif exister), transcendant le savoir phénoménal (jñāna – voir cette entrée pour plus ample discussion de la différence entre vid et jnā). Les Vedas sont au nombre de trois ou de 3 ½ selon les textes qui en parlent, ce qui d'emblée mérite un rapprochement avec l'Oṁkara. Etymologiquement ṛic est associé au concept de louange, yajur au sacrifice et sāma au chant. Il est d'usage de différencier les trois Vedas portant ces noms respectifs en correlation avec le prêtre qui les prononce au cours des sacrifices. Les hymnes du Rig Vedas sont prononcées par l'officiant principal qui verse les offrandes dans le feu (hotṛi) et ceux du Sāma Veda sont chantés par l'udgātṛi (udgītha est le son qui va vers le haut, la syllabe Aum comme l'explique le Chāndogya Upanishad). Le Yajur Veda contient des textes récités lors de rituels spécifiques (par l'adhvaryu) et qui ne sont pas directement des invocations. Cependant le Chāndogya (chapitre 2) exprime un point de vue sensiblement différent, associant chacun des Vedas à une étape dans l'interaction avec le divin conçue comme un chant (sāman, gītā, chandas): l'introduction, l'accomplissement et la réciproque (rétribution). Selon certains, ces trois Vedas principaux contiennent les mêmes mantras dans un ordre différent et avec différents accents de prononciation, choisis pour suggérer une interprétation plus précise. Il est clair que l'usage de mots pour exprimer ce dont on est conscient est en soi un mensonge, une trahison de la part du mental (de nature matérielle) dans son expression de l'idée conçue par la personne intelligente. L'auditeur l'interprète lui aussi en fonction de son caractère, i.e. de sa forme d'intelligence, et de l'intonation de celui qui a prononcé ces mots. En fait chacun des Vedas se compose de ces hymnes ou mantras, ainsi que de textes philosophiques appelés Upanishads et de courts préceptes (expliquant les mantras) appelés Brāhmanas. Le Kena et le Chāndogya Upanishad font partie du Sāma Veda, l'Ishā, le Taittirīya et le Bṛihadāranyaka du Yajur Veda (ce qui explique qu'il y soit souvent question du rituel du sacrifice) et l'Aitareya du Rig Veda. La distinction entre Upanishad et Brāhmana est assez formelle puisque le Bṛihadāranyaka (le grand enseignement dans la forêt) est indéniablement d'une haute portée philosophique et ses subdivisions sont intitulées brāhmanas. Quant aux hymnes ("ces paroles fleuries" comme dit Krishna) il ne faut pas leur faire dire ce qu'ils ne disent pas. C'est ce qu'ont tendance à faire les traducteurs modernes soucieux de faire valoir leur intensité spirituelle, en particulier à un auditoire étranger, au point parfois de leur ôter toute religiosité pour se mettre à la portée des agnostiques: c'est facile car les divinités personnifient des puissances, des concepts fondamentaux, et toute invocation est à double entendement. Non, cette pratique est malhonnête. Ce sont avant tout des poêmes de louanges à Celui et ceux qui leur sont supérieurs dans la hiérarchie de la création, prononcés à l'aube de l'histoire par des hommes émerveillés par le monde qui les entoure, conscients qu'il leur appartient de transcender la matérialité mais soucieux également de faire valoir leurs désirs, avec modestie et ce sens de la flatterie propre aux orientaux. "Repousse tous nos ennemis, O Indra, ceux de l'est et ceux de l'ouest, du nord et du sud, O puissant conquérant, O héro, que nous puissions nous réjouir sous ta protection" (Rig Veda 10.131). On y trouve aussi parfois l'embryon du questionnement, plus amplement développé dans les Upanishads, comme dans l'hymne précédent du Rig Veda (10.129): "Qui peut dire l'origine et qui est l'auteur de cette création? Qui connait Celui qui vint en premier, avant les devas? Lui qui était là à l'origine, qu'il en soit la cause ou peut-être pas, qui voit tout du haut des cieux, Seul il le sait, ou peut-être Il ne sait pas." A ces trois Vedas "éternels", en cela que selon la tradition ils sont révélés par la Divinité Suprême à Brahmā, il faut ajouter l'Atharva Veda composé par le rishi Angiras, qui traite de sujets indépendants des trois autres et sans rapport avec les sacrifices. Je suppose, ne l'ayant pas lu, que c'est ce quatrième Veda qui rassemble les textes se rapportant à des sciences spécifiques telle que la grammaire, la récitation des textes sacrés, l'art du combat... En fait il y a un certain nombre d'évidences qu'au départ il n'y avait qu'un seul Veda, telle que l'histoire que Vyāsa ayant trié dans la grande abondance de textes prononcés par Hayagrīva, en sélectionna une partie et la compila en 3 sections. A propos de ce qui est considéré comme un enseignement révélé ou inspiré voir aussi l'entrée sruti-smriti.
- vīṇa: instrument de musique à cordes pincées dont l’arc est l’ancêtre. "Arjuna joue-moi de ta vīṇa " (Udyoga Parva).
- Vindhya: la montagne qui voulait être plus haute que le mont Meru, ramenée à la raison par le sage Agastya. Elle a donné son nom à une chaîne située entre la plaine Gangétique et la rivière Narmada.
- viṡ, viṣ et viṡa: les verbes viṡ et viṣ ne doivent pas être confondus, ont des modes de conjugaison différents (viṡati, viveṣṭi) et cependant partagent un même infinitif (veṣtum). Le premier signifie entrer dans et par extension résider, être établi, avoir du bien, et il donne entre autres viṡva (partout), Viṡvedeva (tous les dieux), viṡvarupa (forme universelle), mais aussi Viṣṇu. C'est tout le problème d'une langue qu'on écrit comme on la prononce. Le deuxième verbe signifie être actif, travailler, servir, et on peut raisonnablement supposer que l'idée d'utiliser la syllabe viṣ avec cette dernière nuance est venue d'une locution similaire à "être investi d'une tâche" en Français. En fait Viṣṇu s'investit bel et bien d'une tâche en imprégnant sa création pour maintenir sa cohésion et la préserver du chaos, si bien qu'on pourrait également dériver son nom de cette racine verbale. Par contre gageons que le vaiṡia n'apprécie guère de lire dans les discussions (bhāṣas) des textes anciens que son rôle social est de servir le kṣatriya et le brāhmana, sous le prétexte qu'il accomplit une tâche moins noble. Celui qui sert est le ṡudra. Servir n'est pas en soi péjoratif comme en peut en juger de l'utilisation du verbe sev (sevate, sevitum): servir une cause, servir un guru (l'honorer, l'assister, lui obéir et aussi le fréquenter, subir sa bonne influence), pratiquer une discipline, le yoga, l'isolement et la méditation, et pour boucler la cercle en revenir à résider dans la méditation, l'entourage d'un guru. Il n'en reste pas moins que, la perversion humaine aidant, le ṡudra est bien devenu un esclave au cours des siècles et reste aujourd'hui misérable nobnobstant la démocratisation de la société. D'ailleurs viṣ a un sens péjoratif par rapport à kṛi (le verbe transitif faire) ou car (agir, se mouvoir), ainsi que par rapport à sev. On le réalise en particulier sur la base des mots dérivés: viṣa est aussi le poison, l'agent actif toxique, viṣ (en tant que substantif féminin) est l'ordure et viṣaya (masculin) est la sphère d'activité, notamment celle des sens, le domaine, le royaume (rājyam est plus noble), viṣayin un matérialiste. C'est pourquoi les termes "traigunya-vishayā veda" prononcés par Kṛiṣṇa (Gītā 2.45) sont indéniablement péjoratifs.
- vṛi et vṛit: deux racines verbales chargées de sens. Le verbe vṛi est employé dans les deux sens de couvrir et de choisir (avec la même conjugaison), qui ont un rapport certain si on songe au geste puéril de couvrir avec ses bras ce qu'on cherche à s'approprier. Il donne entre autres: vara au sens de ce qui enveloppe, Varuṇa Celui enveloppant tout, ainsi que varṇa ce qui couvre le corps et par extension l'apparence, la couleur; mais aussi Vṛitra le nom du démon des nuées sombres qui couvrent le ciel. Dans le sens de choisir il donne vara celui qui choisit (le marié) et varenya ce qui est digne de choix ("tat savitur varenyam"). Le verbe vṛit signifie tourner autour et par association d'idée s'engager dans un mouvement, le principal étant la vie. vṛit donne: varta le lieu de résidence le territoire; vṛitta le cycle de la vie, le mode de vie, la transformation; pravṛitti poursuivre le mouvement des naissances, l'engagement dans la vie active et nivṛitti refuser cet engagement, mettre un terme au cycle. Mais le mot vrata signifiant le service, la conduite, la manière de vivre, la pratique, et par extension le vœu à titre d'austérité ou de pénitence, bien que représentant un engagement que l'on prend, a pour origine la racine vṛi car c'est le choix de celui qu'on sert.. Le mieux connu des vratas est celui d'ekādaṡi (onzième jour de la lune croissante ainsi que décroissante), au cours duquel le dévôt de Vishnu se doit de jeûner depuis l'aube jusqu'au lendemain. L'observation des consignes des Purānas concernant le moment exact de rupture du jeûne demandent des connaissances approfondies en astronomie et on peut suspecter qu'elles aient été inspirées en partie par la fréquentation des musulmans, car le texte des Purānas est susceptible d'être mis à jour contrairement à celui des Upanishads. Le verbe vṛit prend un sens un peu particulier lorsqu'il est appliqué à la relation entre les sens et leurs objets: ce sont les objects qui engagent les sens (vishayā vartante. voir Gītā 2.59 et aussi l'entrée graha)
- Vṛindāvana: le mot vṛinda qui signifie multitude ou troupeau serait dérivé du verbe vṛi et vṛindā-vana est la forêt où abondent les troupeaux, ou bien la forêt de Rādhā qui s'occupe des troupeaux. Elle était située près de Mathura et aujourd'hui s'y trouve un des principaux lieux de pélerinage (et de résidence des veuves), où malheureusement la rivière Yāmuna est bien sale et où il n'y a plus d'arbres.
- vṛikṣa: ce mot dont l'origine n'a rien à voir avec vṛi ou vṛit mais avec la racine bṛih (croître, prendre racine) désigne un arbre. Dans presque toutes les cultures l'arbre est un symbole puissant et dans la culture Védique on pense immédiatement à l'arborescence des activités et des renaissances: voir l'entrée aṡvattha. L'arbre est un être vivant, mobile en cela qu'il a la capacité de pousser et de creuser pour chercher sa nourriture. Il est envisageable de renaître sous la forme d'un arbre selon les Purānas et cet arbre qui naît au bord d'une des rivières sacrées de l'Inde est béni.
- vyāhṛiti: parole, déclaration, nom prononcé comme une déclaration de foi en le faisant précéder de l'akshara Aum. Les sept vyāhṛitis sont les noms des sphères spirituelles: bhūḥ, bhuvaḥ, svaḥ, mahaḥ, janaḥ, tapaḥ, satyam. Les trois premières sont la terre, l'atmosphère et les cieux ou dans un sens plus abstrait la matérialité, l'énergie et la spiritualité (voir entrée "bhār bhuvar svar). Mahah est le pouvoir, la gloire, la grandeur. Janah est la naissance, la race. Tapah est la chaleur, l'austérité. Satyam est la vérité, ce qui contient ce qui existe.
- yaksha: créature semi-divine caractérisée par la propension à jouir ou manger, au service de Kubera. Pour l'origine des yakshas , rākshasas, et du mot malin lire l'histoire savoureuse racontée apr Agastya à Rāma dans l'Uttar-kānda.
- yajña: sacrifice (du verbe yaj) consistant en n'importe quelle activité exécutée au bénéfice du Brahman. La Gītā fait la distinction entre le vrai sacrifice (sāttvika) fait sans rechercher à en tirer un bénéfice personnel, le sacrifice égoïste (rājasa) et le sacrifice exécuté dans l'ignorance des règles ou pour attirer le malheur sur autrui (tāmasa). Dans un sacrifice védique autour d'un feu il y a généralement quatre officiants: le Brahman qui préside, le hotṛi qui récite des hymnes du Rig veda et comme son nom l'indique (dérivé du verbe hu: offrir) procède effectivement aux offrandes dans le feu, l'udgātṛi qui chante les hymnes du Sama Veda, l'adhvaryu qui effectue les préparatifs, récite les mantras du Yajur Veda et éventuellement procède à la mise à mort. Le sacrifice au sens dans lequel ce mot est utilisé couramment en français doit être coinsidéré comme une activité égoïste puisqu'on parle le plus souvent de se sacrifier pour les siens (sa famille, sa patrie). Le sens étymologique (faire sacré) était pourtant proche du sens du mot samskrit yajna.
- yam et yat: Le verbe yam a pour signification première tenir, lever (une arme), ou tout simplement se tenir dans le chemin, s'opposer, par extension se montrer ferme, restreindre, soumettre. C'est un verbe qui se conjugue dans le mode parasmaipada (3ème personne présent singulier: yamati) tandis que le verbe yat se conjugue avec des terminaisons ātmanepada (yatate). En fait c'est plus ou moins le même verbe puisque yat est utilisé le plus souvent dans le sens de se contrôler, faire un effort sur soi, suivre une ligne de conduite. Mais le sens premier de yat est plus proche de celui de yuj, puisqu'il s'agit de joindre, corréler, garder en ligne de mire. Il n'est pas non plus étranger au verbe i (eti) ou yā (yāti), signifiant aller. En fait l'idée de base dans toutes ces racines verbales est l'association d'un chemin à un effort.
- yama, dama, ṡama (ou yati, dānti, ṡānti) expriment différentes formes de contrôle de soi. Yama (masculin) est un rêne et l'observance de restrictions. C'est aussi le nom de l'un des lokapālas, le seigneur du domaine des morts (voir cette entrée dans les noms propres). Yama, niyama et prāṇāyāma sont trois étapes du rāja-yoga ou asthanga-yoga, visant à purifier l'esprit. Il importe au préalable de purifier le corps en faisant sa toilette et en mangeant sainement, ni trop ni trop peu. Dans ce système de yoga, yama constitue l'étape suivante consistant dans le contrôle du comportement: (i) la non-violence (ahimsa), aussi bien physique, verbale que par la pensée; (ii) le respect de la vérité (satya), corrélé à la règle précédente et dans tout son comportement également; (iii) la chasteté aussi bien physique, que verbale ou mentale, donc principalement l'abstinence sexuelle (constituant le pilier du brahmacarya pour l'étudiant védique); (iv) l'abstention de la convoitise (aparigraha), du vol (asteya) ainsi que de toute dépendance envers un bienfaiteur (l'acceptation de cadeaux), qui viennent compléter la règle d'abstinence. Le niyama est l'étape suivante, consistant dans la restreinte des actions motivées (samkalpa-ja) par le profit ou le plaisir personnel. Pour bien comprendre ces règles il faut garder en ligne de mire l'objectif de perfection du yogi: être indifférent aux contraires et ne pas s'attribuer le bénéfice de ses actes (samatva, nirdvanva, a-sangam). Il convient donc de se satisfaire de ce qu'on obtient (saṁtuṣṭi ou saṁtoṣa), bon ou mauvais, sans le rejeter pour le principe de refuser le fruit de l'action, ainsi que de pratiquer l'austérité (tapas), l'étude des textes religieux (svadhyaya), le culte religieux (praṇidhāya, pūja). Ce sont là les régles édictées par Patanjali dans ses yoga-sūtras. Le sujet est développé ci-dessous sous l'entrée yoga. Le verbe dam signifie dompter, mater, domestiquer (un cheval) et dama (masculin) est devenu à la fois le domicile et la domestication de ses impulsions. Le verbe ṡam signifie se fatiguer, se calmer et ṡama (masculin) est la tranquillité. Peut-être l'un (dama) désigne plus particulièrement la domestication des sens et l'autre (ṡama) l'apaisement des sentiments (qui ne sont autre que les sensations mentales), projets (ārambha, artha) et passions (raga). Yāma est la restreinte, l'interdiction; mais dāma est une corde (supposé dériver d'un verbe dā conjugué selon le mode 4, contrairement au verbe dā signifiant donner qui suit le mode 2 de conjugaison); tandis que ṡāma est un adjectif avec le sens d'appaisant et ṡāman (neutre) est le tranquilisant ou la conciliation. Les mots yati, dānti, ṡānti (féminins) sont les qualités de domination, restreinte ou patience, et paix. On utilise aussi les participes passés yata, dānta, ṡānta (plutôt que danta, ṡanta, particularité de conjugaison de ces verbes) s'appliquant à celui qui se contrôle et qui a trouvé la paix des sens et de l'esprit. Attention! Yāta, yāti, yātṛi (le marcheur, le voyageur) et yātrā (la progression, la marche, le voyage) proviennent du verbe yā signifiant aller et yāma a aussi le sens de mouvement tandis que yāna est le voyage au sens d'odyssée (comme dans Rāmayāna). Enfin il me semble intéressant de mentionner une dérive intéressante du sens du verbe yam dans pra-yam qui littéralement signifie présenter en signe de soumission, mais qu'on est amené à traduire le plus souvent par offrir comme dans le shloka 9.26 de la Gītā: celui qui m'offre une feuille, une fleur, un fruit....
- yoga: ayant pour racine yuj (atteler, joindre), le yoga est l'attelage et au sens spirituel l'union avec une nuance d'asujetissement semblable à celle du bœuf attelé au chariot. Le yoga est la connexion entre l'ātman et Dieu - le Paramātman et le Maître du yoga - et par extension le chemin qui conduit à la communion avec Dieu. Pour utiliser l'image classique du char, constitué par le corps, où siège l'ātmā, dont l'intelligence est le conducteur, le mental les rênes et les sens les chevaux (Katha Upanishad 1.3.3) le yoga est le contrôle de l'attelage. Du point de vue comportemental, selon la nature de l'individu, il existe plusieurs aspects ou étapes du yoga, dont les principaux sont le karma-yoga, le jnāna-yoga, le dhyāna-yoga (ou rāja-yoga) et le bhakti-yoga. Du point de vue technique les huits membres (ańga) du yoga sont yama, niyama, āsana, praṇāyāma, pratyāhāra, dhāraṇa, dhyāna et samādhi. Le sujet est exposé en détail dans le Jābāladarshana-upanishad et le Shāndilya-upanishad entre autres et comme référence plus moderne on ne peut que recommender la lecture des discours de Vivekananda sur le sujet (publiés par l'Advaita Ashrama, Kolkata). Le contrôle de soi (yama) est ce que Krishna appelle austérité du corps, de la parole et du mental dans la Gītā (17.14, 17.15 et 17.16: non-violence (ahimsa), observation de la vérité sous tous respects (satya), non-convoitise (asteya), abstinence sexuelle (brahmacarya), générosité (dayā), droiture (ārjava), indulgence (kshamā), détermination (dhṛiti), frugalité (mitāhāra) et propreté morale aussi bien que physique (ṡauca). Par rapport aux précédents le ni-yama est l'observation de règles contraignantes dans ses actions: jeûne, satisfaction de ce qu'on a (santoṣa), modestie (hrī), actions pieuses (āstika), lecture et récitation des textes sacrés, voeux (vrata). La posture (āsana –voir cette entrée pour complément d'information) et le contrôle de la respiration (pranāyāma) sont des préliminaires à la concentration (dhāraṇa). Pratyāhāra est l'abstraction au sens propre de déconnecter son esprit des sens et de leurs objets. Enfin samādhi est la transcendance consistant à se placer (ā-dhā) dans l'union (sam), i.e. dans l'unité indivisible du Brahman. En tout état de cause, même si une étape du rāja-yoga consiste à se concentrer sur des parties du corps et une technique de méditation à assigner des noms de divinités à ces parties du corps (nyāsa), le yoga n'est pas la "communion du mental avec le corps" comme on l'entend trop souvent aujourd'hui: le mental est corporel et s'il n'est pas en état de yoga permanent avec le corps c'est un disfonctionnement de sa part car c'est sa tâche principale. Le shloka 2.50 de la Gītā entre autres mérites est très didactique concernant les nuances d'emploi du verbe yuj (présent yunakti, yunkte, impératif passif 2eme personne yujyasva, participe passé yukta) et du substantif yoga désignant l'action de ce verbe. En supprimant les liaisons phonétiques, il s'énonce: budhhi-yuktaḥ jahāti iha ubhe sukṛita-dushkṛite| tasmāt yogāya yujyasva yogaḥ karmasu kaushalam – Celui dont l'intelligence est guidée (par l'ātman) abandonne ici-bas autant les (fruits des) bonnes actions que les mauvaises. Par conséquent attèle-toi au yoga. Le yoga est l'art d'agir (pour sa propreprospérité). Maintenant qu'en est-il de ce yoga-māyā dont on entend parler dans la Gītā et les Purānas? C'est le pouvoir de Celui qui contrôle les choses de l'intérieur (antaryāmin) de créer l'illusion de l'individualité, de la différence, de diriger le char de l'intelligence et du mental dans cette voie. Du point de vue cosmologique, Il commence à exercer ce pouvoir en inspirant une intelligence à l'informe non révélé, en le différenciant par des guṇas. C'est sans doute alors qu'il prononce les mots fatidiques "bahu syam".
- yojana: unité de distance correspondant à celle parcourue d'une traite par un cheval sans dételer, soit environ 15 km.
- yugas: les âges de la création qui dans l’ordre de succession sont krita, tretā, dvāpara et kali. Un caturyuga ou mahā-yuga dure 12000 années divines (4000+3000++2000+1000+ 4 intervalles appelés sandhyā durant 1/5ème de l'âge qu'il précède) et une journée divine dure un an humain (6 mois pour le jour et 6 mois pour la nuit). Le kali yuga dure 432 000 ans, le dvāpara deux fois plus et ainsi de suite, faisant qu'un mahā-yuga, qui est la somme des quatre, dure 4320 000 ans. La journée de Brahmā (kalpa) dure 1000 caturyuga, soit 4,32 milliards d'années humaines et au cours de chacune il y a 14 Manu. La transition difficile à concevoir entre les mahā-yugas est racontée dans le Matsya Purana chapitre 144. Pour une description plus détaillée du temps voir l'entrée kāla.
- nombres propices (vibhūtimat saṁkhyā?): Trois (tri) est le nombre des guṇas, des sphères invoquées (vyāhṛiti : bhūḥ, bhuvaḥ, svaḥ) en préliminaire à la Gāyatrī, des pieds de la Gāyatrī (3 vers de 8 syllabes), des "rôles" endossés par Nārāyana dans le monde matériel qu'il a créé (trimurti Brahmā, Vishnu et Shiva), des lettres de l' udgītha, des rivières composant la triveṇī (trois tresses) à Prayag (Ganga, Yamuna et Sarasvati), des sources de Ganga (Bhagirathi, Alakananda, Mandakini), des Vedas (Atharva exclus), des dvi-ja (varnas honorables pratiquant des rites religieux, i.e. shudras exclus), des feux domestiques ... Trois en un: le nombre de l'advaita. Trois est aussi le nombre des manifestations dans cet univers matériel (le bhū): un nom, une forme et une activité (Brihadaranayaka 1.6.1), le nombre des activités propres à chacun des trois mondes: prāṇa, manas, vāk (respiration, pensée, parole) (Bṛihadāranyaka 1.5). Trois est le nombre des états de conscience: éveil, rêve et sommeil profond (voir l'entrée Tripura). Dix-huit est le nombre des chants du Bhagavad Gītā, de parvas dans le Mahābhārata, de Mahā-Pūrānas, de jours de bataille à Kurukshetra. C'est une marque de complétude, un multiple de trois et de six comme le nombre de saisons (6), de mois de l'année et d'Adityas (12), le nombre de composants de Prakritī (18 ou 24 selon qu'on compte à la fois les tanmātras et les mahābhūtas ou non), le nombre des noms de Shiva (108=6*18). D'autres nombres impairs premiers sont aussi propices: cinq est le nombre des délices divins (pancamrita) et des dons de la vache pancagavya). Le nombre sept est associé à l'idée d'activité, sans que cela soit aisé à définir (voir par exemple dans le Muṇḍaka Upanishad 2.1.8). C'est le nombre des chevaux attelé au char de Sūrya, qui sans équivoque symbolisent sept sens attelés au char de la personne conduit par l'intelligence, sauf qu'ils devraient être au nombre de cinq mais dans la face nous avons 2 yeux, deux oreilles, deux narines et une bouche. Sept est aussi le nombre des mêtres en versification et on dit que les roues du char de Sūrya ont sept rayons ou que le char du temps a sept roues à six rayons (Prashna Upanishad 1.11). On parle de sept flammes et de sept combustibles à propos d'Agni qui s'Il n'est pas l'action (mais l'énergie) lui est étroitement associé en particulier dans le sacrifice, la parole et la digestion. Sept est le nombre des continents et des océans, des sphères supérieures (bhuh bhuvah svah mahah jana tapas satya) et inférieures (atala vitala sutala talātala mahātala rasātala pātāla) où s'activent des créatures. Quant au nombre quatre, il semble devoir être associé au concept de dharma. Le dharma a quatre pieds qui sont vidyā, dāna, tapas et satya: connaissance compréhensive, générosité, austérité et vérité. Quatre est le nombre des āṡramas (stages de la vie) et des sva-dharmas ou varnas.
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