Mahābhārata Livre 7 - Drona Parva Démence nocturne
Section CLIII Démence nocturne

[Sanjaya] Ayant tué le souverain des Sindhus dans la soirée, Partha, après sa rencontre avec Yudhishthira, se dirigea vers Drona, accompagné du grand archer Satyaki. Yudhishthira et Bhimasena, fils de Pandu, chacun avec une division séparée se dirigèrent aussi vers Drona. De même, l'intelligent Nakula et l'invincible Sahadeva, et Dhrishtadyumna avec sa propre division, ainsi que Virata et le souverain des Salvas avec une large force armée, se dirigèrent vers Drona. De même le roi Drupada, père de Dhrishtadyumna, protégé par les Panchalas, se dirigea, O roi, vers Drona. Les fils de Draupadi eux aussi et le rakshasa Ghatotkacha, accompagnés par leurs forces se dirigèrent vers Drona. Les Panchalas, au nombre de six mille, tous très beaux et efficaces dans l'art de châtier, se dirigèrent vers Drona avec Sikhandin à leur tête. D'autres parmi les meilleurs et puissants rathas Pandavas, s'unissant, se dirigèrent vers Drona. Quand ces héroïques guerriers, O taureau parmi les Bharatas, partirent au combat, l'obscurité de la nuit atteint son comble, augmentant les terreurs du timide. Durant ces heures sombres, O roi, nombreux furent les guerriers qui donnèrent leur vie. Cette nuit fut aussi témoin de la mort de nombreux éléphants, chevaux et fantassins. Durant cette nuit noire, des chacals, qui hurlaient, inspirèrent grande frayeur partout avec leurs gueules embrasées. Des chouettes féroces, se perchant sur les étendards des Kauravas et hululant depuis là-haut, présageaient la peur. (Sous toutes les latitudes ces beaux oiseaux inspirent la même crainte superstitieuse.) Alors, O roi, un violent tumulte se leva de tes troupes. Se mêlant avec les battements sonores des tambours et cymbales, les grognements des éléphants, hennissements des chevaux et martèlements de leurs sabots, il se répandit partout. (Exacerbé par l'obscurité il faisait dresser le poil sur tout le corps.) Alors, en ce début de nuit, une bataille farouche eut lieu entre Drona et tous les Srinjayas. Le monde étant enveloppé dans l'obscurité, rien ne pouvait être observé. La voûte céleste était couverte de poussière soulevée par les combattants. Le sang de l'homme, du cheval et de l'éléphant se mélangeaient et la poussière du sol disparaissait. Tous, nous étions sans aucun entrain. Au coeur de la nuit, des sons effrayant d'armes s'entrechoquant s'entendaient comme ceux d'une forêt de bambou en feu (qui explosent en brûlant). Avec les sons des mridangas, anakas, vallakis et patahas (instruments de musique), les cris et les hennissements, une terrible confusion s'installa partout. O Seigneur! Alors que le champ de bataille était enveloppé dans l'obscurité, O roi, l'ami ne pouvait être distingué de l'ennemi. Tous étaient la proie de la démence dans cette obscurité. La poussière du sol qui s'était levée fut vite dissipée, arrosée par le sang. Puis, à cause des armures dorées et ornements brillants des guerriers, l'obscurité se dissipa. L'armée Bharata décorée d'or et de pierres précieuses ressemblait au firmament scintillant d'étoiles, O taureau de la race de Bharata. Le champ de bataille résonnait des hurlements des chacals, croassements des corbeaux, grognements des éléphants, cris belliqueux et de douleur des guerriers. Tous ces sons se mélangeant produisaient un vacarme faisant dresser les cheveux sur la tête. Il emplissait tous les points cardinaux comme l'écho du tonnerre d'Indra. En pleine nuit, l'armée Bharata semblait illuminée par les angadas, boucles d'oreilles, cuirasses et armes des combattants. Eléphants et chars, ornés d'or, paraissaient dans la nuit être des nuages chargés d'éclairs. Epées, dards, masses, sabres, gourdins, lances et haches en tombant (sur leur cible) produisaient des éclats éblouissants de feu. Duryodhana était la rafale de vent annonciatrice (de cette tempête), chars et éléphants étaient ses nuages sans pluie, le bruit des tambours et autres instruments les éclats de tonnerre, les arcs et étendards les éclairs de la foudre. Drona et les Pandavas étaient les nuages déversant la pluie constituée de flèches et les autres armes ses rafales de vent incessantes. Ces vents qui soufflaient étaient à la fois brûlants et glaçants. Epouvantable, étourdissante et violente, cette tempête était destructrice de vie. Rien ne pouvait constituer un abri contre elle. Les combattants avides de bataille entraient dans cette foule effrayante durant cette nuit effrayante résonnant de bruits terrifiants, qui augmentaient la peur des timides et le délice des héros. Au cours de cette féroce et terrifiante bataille dans la nuit, les Pandavas et Srinjayas tous unis se ruèrent en colère contre Drona. Cependant, O roi, tous ceux qui s'avançaient droit sur l'illustre Drona étaient soit obligés de faire demi tour soit expédiés au royaume de Yama. Vraiment, durant cette nuit, Drona à lui seul perça de ses flèches les éléphants par milliers et les chars par dizaines de milliers, chevaux et fantassins par millions de millions. Le poète, digne fleuron de la race de Bharata, ne peut résister, au coeur de la nuit effrayante où les guerriers s'entretuent entre frères, à la tentation de dissiper quelques instants la poussière et l'obscurité pour s'émerveiller devant Kurukshetra qui est devenu un champ étincelant d'étoiles. Mais ce n'était qu'une illusion car les éclats de lumière deviennent soudain ceux des éclairs et la tempête de la guerre souffle à nouveau. Il n'était pas d'usage de combattre la nuit, mais tous semblaient pressés d'en finir.